Ceci est une charade, malgré les apparences, une charade et
une…. Méditation ?
Je ne suis pas un ver de terre ni un enculeur de mouches.
Je ne ferais pas de mal à une mouche. En général, j’attendais
les mouches, jusqu’au jour où, essayant la recette de Lautréamont : « Pour tuer des mouches, voici la manière, la plus
expéditive, quoique ce ne soit pas la meilleure : on les écrase entre les deux
premiers doigts de la main », j’éprouvai la surprise jouissive d’en
avoir tué une et de tenir la vie d’une mouche entre mes mains.
La mouche ne bourdonnait plus,
elle ne bougeait plus. « N’importe, c’était une mouche à merde », dit
ma mère. Or il n’y a pas de tentation de merde. Longtemps j’ai chassé mes
tentations, et puis je les ai laissées bourdonner à mes oreilles, ces « personnes
d’un monde sans lumière » (Philippe Beck), s’insinuant en points d’interrogation
pour que la foi vienne de ce qu’on entende, « fides ex auditu »,
comprenant sans rien voir, car « le tact » est le premier des moyens
par lesquels on entre en sensation, dit Condillac, je n’ai pas dit en
connaissance, encore moins en connaissance de cause, car on peut tout
comprendre, excepté les causes. Je ne fais plus de mal à mes tentations,
sachant qu’on peut résister à tout sauf à elles (Oscar Wilde), que je n’ai pas
l’âme combattive et que je veux me donner licence de plaisir – j’ai longtemps
cru que l’on n’avait pas le droit au plaisir -. Pas plus qu’il n’y a de
liberté qui n’excède celle de choisir, il n’existe de joie qui dépasse le
plaisir -.
Je ne fais pas de mal à mes
tentations, car les mouches ne m’ont jamais emmerdé. Je ne peux pas en dire
autant des chats : qu’est-ce qu’ils m’ont fait chier, les chats !
Surtout quand Plouque chiait dans mon lit. Ma mère avait deux chats, ils s’appelaient
Plouque et Schizo. N’ayez jamais peur des animaux domestiques ! Si vous n’aimez
les griffes ni les crachats, vous courrez après la félinité sans être jamais un
bon coup. « J’ai jamais tué d’chats, ou alors y a longtemps, ou bien j’m’en
souviens plus. » Pauvre brelle ! Tu es bien un abbé de t’en vanter.
Alain Breton me dit un jour :
« Vous écrivez de la poésie de qualité » - encore
heureux -, « même si vous la parsemez de trop d’adverbes. » Jésus
a écrit sur le sable, seules Ses Paroles sont restées. Ses paroles-roc n’ont
pas fondé une maison sur le sable, où fondit ce qui resta de ses écrits. Les
paroles demeurent et les écrits s’envolent. Socrate s’accusait d’écrire des
vers de mirliton qui étaient demeurés à son époque. D’où le fait que la passion
du buveur de ciguë ampoula et ne put jamais tout à fait se disculper des deux
chefs d’accusation d’impiété et de corruption de la jeunesse. Car le Verbe est
un pieu qui permet de saisir l’axe et la rotation de la terre, mais quand on
est pieux, on n’écrit pas.
Imaginez, si j’avais écrit des
vers de mirliton ! Aujourd’hui, vous me traiteriez de chauffard. J’aurais
joué du shofar jusqu’aux entrailles de la terre, d’où seraient remontés les
vers, pour rendre des comptes à cause du sang qui crie. Mais quand on scinde un
ver de terre, ses anneaux ne saignent pas.
C’est le docteur Antoine qui m’a appris
que les vers disposaient d’un système d’anneaux si complet, dans chacun de
leurs centres vibratoires, que je pouvais les séparer, ils continueraient de se
reproduire. Dans le jardin plein de mauvaises herbes où mon père élaguait des
arbres, j’essayai le système du docteur Antoine et le miracle de la
multiplication des vers. Je supposai qu’il avait réussi. Le docteur Antoine
était l’ami de mon père et reprochait à ma mère, dont il était le médecin
traitant, de l’accuser d’être à l’origine de ma cécité. Après quoi, poussant un
grognement de propriétaire d’une centaine d’appartements trop imposés, il se
plaignait de payer tant d’impôts. Il n’était pas un lombric. Son but était d’amasser
du pognon et des briques, celles-là mêmes avec lesquelles on avait construit la
tour de Babel qui devait s’élever jusqu’au ciel, avant que les Hébreux esclaves
en Égypte ne dussent ramasser des briques jusqu’à l’exode mosaïque. Le docteur Antoine
ne l’entendait pas de cette oreille qu’il avait dure, il ne disposait pas de ces
lumières. « Sépare les anneaux des lombrics, tu verras, ils se
reproduiront », me conseilla-t-il. J’ai séparé les anneaux et j’ai perdu
mon alliance. Je ne me suis pas reproduit. Je ne sais pas ce qu’il en fut des
vers, car nous avons dû quitter le jardin. Les mauvaises herbes poussaient trop
drues sous la culture biologique.
Mon premier est le oui italien.
Mon deuxième rétorque le oui au non.
Il n’y a que mon premier troisième qui coûte.
Victor Hugo a écrit l’homme qui mon quatrième.
On met les barres sur mon cinquième.
Je propose deux définitions pour mon tout :
- La première est la définition de la reproduction des
lombrics selon le docteur Antoine.
- Mon tout est mon trou dans l’énoncé de cette idée
maurrassienne qui forme la seconde (« ô scandale ! Il nous a menés sur
ces terres innocentes pour en arriver là. - Réfléchissez d’abord, vous vous
scandaliserez ensuite « :
L’individu forme-t-il jamais la société ? « Considérons encore le monde des êtres qui vivent. Il y a des
espèces (elles sont très inférieures) où l'individu détermine une sorte de
société ; ce sont les espèces où la reproduction s'opère par voie de »
mon tout. « Il faut chez l'animal supérieur un couple, il faut deux
individus très différents pour produire un troisième individu. Cet être nouveau
ne naît pas d'un générateur, ni même de deux générateurs, mais plus subtilement
de la société de ces générateurs. »
Donc antérieurement,
il faut du même ; supérieurement, il faut de l’autre. Ce n’est pas à dire
qu’au commencement était de l’autre. Et l’homme ne naît pas d’un père et d’une
mère, il naît de la société de leur amour.
Maurras en tire d’autres conséquences ou
propositions. Certaines sont enthousiasmantes et d’autres discutables. Je vous
laisse les apprécier :
- « Vraiment, comme Léon de Montesquiou l'a si bien remarqué dans La Raison d'État, l'on ne peut pas dire : « 1o L'homme, 2o la société. » Il faut absolument se ranger au parti de dire : « 1o La société, 2o l'homme. »
- « Comme elle est supérieure à l'individu, la société est supérieure à l'État. Il est bien une pièce centrale de la société, mais ajustée pour la défendre et l'organiser, non pour la détruire. » « L’État, quand il est bien institué », n’a presque jamais « affaire aux individus. C'est sur les sociétés dont il a la charge, et c'est aussi sur leurs rapports mutuels, que s'exercent ses principaux attributs : seuls les criminels, avec les héros et les saints, personnalités d'exception, ont des rapports avec l'État qui a le droit de connaître ces anomalies, ou pour les honorer, ou pour les châtier. »
Mais je décide pour vous que, dans les deux énoncés suivants, Maurrasexagère :
« Si la société humaine produit l'individu humain, elle ne peut pas être composée de ce qu'elle produit, d'individus. La société est composée de sociétés, c'est-à-dire de groupements d'êtres humains qui pourront être hommes un jour à la faveur de la Société, mais auxquels il est naturel, en attendant, de vivre groupés, soit pour continuer la vie, comme c'est le cas des familles, soit pour la fortifier, l'accroître et l'embellir, c'est le cas des communes et des syndicats, des nations et des religions, des corps, des compagnies littéraires, scientifiques ou artistiques », des « cafés » et des « congrégations ».
Je
proteste. Il est vrai, à mon grandregret, que la société produit les individus
et non le contraire, mais des individus puisant dans la tradition des sociétés
qui sont à l’œuvre dans la société, peuvent former la société, sans que l’État,
qui laisse faire cet individualisme à l’œuvre dans la société, ne la détruise.
- L’homme ne peut vivre sans s’associer, car il ne naît
pas un tout parfait et solitaire, qui profite de la société pour accroître la
force de sa monade. Mais quand il « rentre dans l’indépendance »
comme le dit Rousseau dont Maurras est ennemi de la pensée trop solipsiste,
exotique, romantique ou trop vague, l’homme peut former des familles pour
prêter son concours à la perpétuation de l’espèce ou de la société. Mais Maurras
oublie qu’il ne s’associe que sur la base du volontariat et à des « groupes
facultatifs ». Le corporatisme est d’une organicité séduisante, mais les
corps politiques ne doivent pas écraser les corps humains.
- Car « la société » ne produit pas seulement
« la faune et la flore humaine des individus différents », mais aussi,
quoique Maurras le nie, « l’introuvable individu » et Mozart qu’on
assassine. Cependant, dans l’idée que l’individu est introuvable, il me plaît
que, pour Maurras, notre « société humaine » ne soit pas « débitrice des plus vastes génies qui ont toujours reçu d'elle bien
plus qu'ils ne lui ont apporté ». Cela évite de diviser la société entre
anonymes, personnages et personnalités, comme le fait la société individualiste.
Mais je n’ai pas fait le deuil de la
personne humaine.
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