dimanche 18 mai 2014

Perles de charades (les labyrinthes et les forêts)

Voici quelques quignons semés dans ma pinède pour m'aider, tel Poucet, Ariane de ses frères, à, taureau, sortir du labyrinthe. Commençons par les perles de composte. Composte un peu scolaire de Ludo qui, comme il ne graisse pas le charadier, est cité sans conviction dans ce tableau d'honneur : "Bonjour, Julien, Tout cela me semble très facile, tu m'as habitué à mieux ! 1 Ca, la moitié du Général Caca ! 2 Nos 3 Pet, le vent qui annonce ce fameux Général ! Mon tout est donc la canopée. Allons-y pour la deuxième qui est encore plus facile ! 1 Cil, ce battement chez les femmes qui peut faire chavirer les hommes ! 2 Veste, qu'on peut se prendre quand on se fait des idées mais jamais après un battement de mon premier ! 2 Re Mon tout est donc le sylvestre qui pour moi n'est pas un dieu mais des habitants plus ou moins magiques des fôrets dans l'héroic-fantasy. Amicalement, Ludo" Il est vrai, Ludo, que j'aurais dû désigner le tout de ma deuxième charade comme la désignation adjectif et non nominale du dieu latin des forêts. Voici la version mustaphienne du même syllabaire : " Charade 1 Canopée = c, a, n, o, p, é, e. 1 ca = c, a = moitié de caca (où je suis). Aussi : « cas de forme sajeure ». 2 nos = n, o, s. Dans les mots croisés, on aurait eu $ »refus anglais ». 3 pet = p, e, t. = « pet-de-nonne ». Vers 95, des explorateurs (ou comment les appeler) ont construit $ »le radeau des cimes. J’ai trouvé ça extraordinaire. J’en ai parlé aux élèves en leur demandant si elles savaient ce qu’était la canopée. Elles ne savaient pas et quand je leur ai parlé de cette expédition pour explorer la forêt amazonienne (ils disaient que c’était le seul moyen), l’une d’elles a dit : « mais ça n’est pas nouveau ». J’ai tenté de les convaincre qu’il ne fallait pas donner dans la $ »néolâtrie » (culte du nouveau = « il n’y a de vrai que le neuf ». Charade 2 Sylvestre s, y, l, v, e, s, t, r, e. 1 cil c, I, l. 2 Veste v, e, s, t, e. Pour Iena, on a parfois cette définition de mots croisés : $«veste allemande par Napoléon.» 3 re r, e. On ne pense pas assez à d’autres sens de ce « re », le prenant trop souvent pour le préfixe de la répétition. Exemple, « reprendre » n’est pas $ »prendre » de nouveau mais « en retour » « en sens inverse ». Exemple : « donner, c’est donner, reprendre, c’est voler ». Mon amitié à Nathalie." Chateaubriand a inspiré Benoîte : " Je comprends maintenant pourquoi tu parlais de chlorophylle et de lumière! [...] En ce qui concerne le texte de Chateaubriand, ce qui est remarquable c'est que tous les domaines de la nature,l'animal,l'humain (représenté dans le mythe),le végétal et le minéral sont liés et semblent ne former qu'un seul ensemble. Il en parle comme d'une matière vivante, spirituelle même. S'y mêle aussi le mythe (religieux) avec le bison orné de deux croissants comme une déesse antique. Voyageur de bibiothèque mais voyant spirituel, il nous parle d'une certaine" matière" qui serait naturellement "lumière"( lumière dans l'esprit). On peut n' y voir que le lyrisme littéraire, un peu comme le romantisme allemand mais si on pouvait considérer la nature de cette façon, nous les cartésiens dégenérés que nous sommes, ça nous sauverait! Pour ma part j'aime le végétal mais dans ce texte tout se transforme (se transmute) et c'est ça qui est intéressant. C'est drôle que tu aies choisi ce thème car d'après mon humble point de vue et mon ressenti ( je le voyais encore aujourd'hui), la nature change en ce moment. J'en ai même fait la réflexion hier. Il y a une intensité nouvelle. Difficile à formuler. Des couleurs plus intenses. Les poêtes et les peintres le verraient s'il y en avait encore...Décidément, quand tu es "branché" sur une certaine dimension, tu les vois les choses..." Correspondance charadière, ma réponse à Benoîte : " La critique considère généralement le texte de Chateaubriand comme la première apologie de la nature à l'état sauvage, qui ait pris place dans l'histoire littéraire, à côté du languissement de Rousseau devant la belle Nature, créant l'exotisme et l'orientalisme du romantisme français (le romantisme allemand restant plus à plat de nature). La même critique souligne aussi avec quelle maestria Chateaubriand a réussi, dans cettte parenthèse du génie du christianisme que sont les deux romans d'Atala et René, à réconcilier la religion de l'antinature avec le berceau sauvage du paganisme, formant le décor naturel du paradis perdu. Il est vrai que, quandon a trouvé, moins une focale qu'une couleur ou qu'une harmonique spirituelle, toute vision se colore d'après cette harmonique, tout résonne et converge depuis le principe qui devient notre prisme." Martine l'avait prévu, le Croissant ne pouvait mordre à l'hétérotélie (autre nom du "fatalisme historique" pourtant brandi par ce féroce critique de l'islam qu'était Jules Monerot). Le croissant s'insurge : "Je crois que c'est ça. Maintenant, sur le signifié, tu peux étudier la substance de l'hétérotélie, l'envisager, mais tu ne dois pas la valider, parce qu'en la validant, tu cesse par là même de croire. Je me souviens que tu trouvais antinomique qu'un prêtre catholique s'adonne à la psychanalyse, c'était pourtant moins antinomique, parce que la psychanalyse ne fait pas sortir de la foi, ce n'est pas un élément de certitude, c'est une aproche qui en vaut d'autres. L'hétérotélie, il s'agit de savoir si elle est vraie ou fausse, ça dans un premier temps. Or, il est impossible de déterminer si elle est vraie ou fausse, c'est une hypothèse, ce n'est pas une donnée. Le croyant peut très bien objecter que ce qui semble du pur hasard n'est qu'un artéfact, parce que Dieu agit par un enchaînement de causes et d'eeffets, et qu'en plus, il intervient comme il est formulé par les voies les moins attendues. Il ne s'agit pas de se tromper avec Gracien, il n'y a pas d'erreur qui tienne, l'hypothèse reste une hypothèse, et en plus, elle ne peut pas se vérifier, pas plus que son anti-thèse ne peut être prouvée. Donc, le croyant choisira ce qui valide la foi et repoussera l'hétérotélie par choix axiomatique, il ne se trompera pas, ces choses-là ne sont pas démontrables à portée humaine." Le cartésien que je suis vient au secours du fatalisme, car le charadier doit toujours avoir le dernier mot : "Je pense au contraire que l'hétérotélie se vérifie, non pas certes fatalement à tous les coups, mais de trois points de vue : D'abord, l'hétérotélie est un fait obstinément constatable. - celui de l'histoire de presque toutes les idéologies ou des épopées humaines donne un résultat contraire à leurs intentions: tout près de nous, prends la gauche française (idéologie), ou la révolution égyptienne (épopée) ; accorde à cette idéologie philanthropique et à cette expérience de libération populaire un crédit de sincérité, et vois comme elles se sont néanmoins retournées contre ceux qui, dans un cas, ont professé sincèrement cette idéologie et, dans l'autre, ont fait cette révolution. De la même manière, on peut, comme le fait Farida Belghoul, condamner l'antiracisme au nom d'un complot sioniste ou bourgeois ; mais il est plus réaliste de penser que l'antiracisme a dégénéré du fait de l'ambivalence des sentiments (hétérotélie et psychanalyse). A plus grande échelle, considère le marxisme, et vois comme le fatalisme de ce matérialisme historique n'est pas arrivé à la fin libératoire qu'il s'assignait. Tu auras beau jeu d'objecter que c'était un matérialisme ; il s'avère que les expériences qui assignaient la Providence à les soutenir au nom de la Foi se sont cassées la figure avec la même régularité historique. L'histoire ne fait pas le bonheur des hommes parce que les relations humaines portent en elles leur principe de corrosion, elles dégénèrent toujours. Les millénarismes sont voués à l'échec et l'avènement de l'esprit ou du progrès dans l'histoire n'ont montré pour lors qu'une réalisation essentiellement technique. Il ya un progrès parallèle de la liberté dans l'histoire, mais qui se fait beaucoup plus lentement que le progrès matériel. Quant à l'extinction du paupérisme, la cupidité humaine l'inscrit davantage encore dans l'histoire longue. L'hétérotélie n'est pas contradictoire avec ce progressisme lent, car elle n'a pas l'ambition d'analyser les causes lointaines, elle se pose pour ne valoir que sur l'analyse des causes et des effets plus ou moins immédiats. L'hétérotélie, en plus d'être un fait constatable dérivant de la dérive des relations comme de la crise des civilisations, est une hypothèse historique plus théocentrée qu'humano-dépendante, car au lieu d'assigner à Dieu une intervention à laquelle il devrait se tenir comme le fait l'optimisme historique au mépris du providentialisme, l'hétérotélie fait la part de la Providence. L'histoire se fait si dieu veut, d'autant que le destin de l'homme n'est pas essentiellement historique. Dernière parenté de l'hétérotélie avec la piété : l'hétérotélie humilie l'homme. Elle empêche le matérialisme ou le spiritualisme historique de tomber dans le piège de l'idéalisme. Elle empêche aussi à l'homme de trouver sa raisondans l'histoire et, en dépassionnant celle-ci, elle l'apaise."

mercredi 14 mai 2014

Le labyrinthe ou les forêts

Où en étais-je ? Vous préférez les forêts ou les labyrinthes ? Encore un canapé, Madame ?Pas de drame, je rame : "Ariane, ma soeur, qu'as-tu fait de ton fil ?" Est-ce que l'amour sur canapé vous fait monter au septième ciel et grimper aux rideaux ? L'amour sur canapé n'est-il pas celui que le lyrisme poétise ? Peut-on "poétiser" l'amour quand son partenaire pète au lit (sujet d'une nouvelle de Maupassant intitulée "la toux")? Les forêts ou le labyrinthe. Un poète n'est-il pas nécessairement labyrinthique ? Ou bien Orphée vise-t-il les cimes ? Et que dire de l'orphéon, sinon que les trompettes pètent aussi ? "Trompettes de la renommée !" Du pêt aux cimes, quel grand écart, je reviens ! Mon premier est la moitié de la grosse commission (rien à voir avec les commissures) ; mon deuxième est l'adjectif possessif ou le déterminant possessif) du pluriel ; et mon troisième est "un gaz sortant du trou chismatique et qui annonce avec fracas l'arrivée du général mon Premier en entier. Et mon tout est les cimes. Peut-on définir les cimes par le pêt ? "Quand une femme pète au lit, pète au lit, Elle a quatre jouissances : Elle bassine sont lit, bassine son lit, Elle soulage son ventre, Elle entend son cul qui chante, Elle empoisonne son mari". N'est-elle pas orphique, cette chanson que m'avait apprise il y a longtemps le comédien Pierre Gérald, mort à plus de cent ans ? Pourquoi définir les cimes par le pêt ? Ah, mince, je vous ai donné mon dernier. Je vous pose une autre charade pour me rattrapêt, et puis j'en viens à ma thèse. Mon premier est les cimes modifiées d'une liquide (un son); ou bien il est ce qui vous bat dans l'oeil, ou plutôt sous les yeux, le symétrique de mon premier, sous le front, est sourd ; mon deuxième, les girouettes, au nom du vent qui tourne, ne cessent de la retourner, entendez les hommes politiques, et pas seulement depuis Edgar Faure ; ou, quand on se prend un râteau, on dit aussi qu'on se prend ma deuxième ; et mon dernier est le préfixe le plus courant de la répétition, par quelle diablerie se retrouve-t-il ici en fin de mot? Mon tout est l'inquiétant dieu de la forêt pour les Romains ou le valet de Scapin. Résolvez ces charades en répondant ici (julien.weinzaepflen@laposte.net), et puis revenons à ma thèse. Depuis hier, je suis perdu dans les forêts tropicales. Etre perdu, n'est-ce pas le lot de tout poète labyrinthique ? Un de mes amis, comme je lui demandais comment il me définissait, me répondit : "Tu es perdu dans un labyrinthe, qu'as-tu fait de ton fil ?" Comme "je serai Chateaubriand ou rien", on me fit étudier hier ce passage célèbre du prologue d'Atala : "Les deux rives du Meschacebé [Mississipi] présentent le tableau le plus extraordinaire. Sur le bord occidental, des savanes se déroulent à perte de vue ; leurs flots de verdure, en s’éloignant, semblent monter dans l’azur du ciel où ils s’évanouissent. On voit dans ces prairies sans bornes errer à l’aventure des troupeaux de trois ou quatre mille buffles sauvages. Quelquefois un bison chargé d’années, fendant les flots à la nage, se vient coucher parmi de hautes herbes, dans une île du Meschacebé. À son front orné de deux croissants, à sa barbe antique et limoneuse, vous le prendriez pour le dieu du fleuve, qui jette un œil satisfait sur la grandeur de ses ondes, et la sauvage abondance de ses rives. Telle est la scène sur le bord occidental ; mais elle change sur le bord opposé, et forme avec la première un admirable contraste. Suspendu sur les cours des eaux, groupés sur les rochers et sur les montagnes, dispersés dans les vallées, des arbres de toutes les formes, de toutes les couleurs, de tous les parfums, se mêlent, croissent ensemble, montent dans les airs à des hauteurs qui fatiguent les regards. Les vignes sauvages, les bignonias, les coloquintes, s’entrelacent au pied de ces arbres, escaladent leurs rameaux, grimpent à l’extrémité des branches, s’élancent de l’érable au tulipier, du tulipier à l’alcée, en formant mille grottes, mille voûtes, mille portiques. Souvent égarées d’arbre en arbre, ces lianes traversent des bras de rivières, sur lesquels elles jettent des ponts de fleurs. Du sein de ces massifs, le magnolia élève son cône immobile ; surmonté de ses larges roses blanches, il domine toute la forêt, et n’a d’autre rival que le palmier, qui balance légèrement auprès de lui ses éventails de verdure." Vous trouvez ça beau, ce pitoresque un peu forcé, qui mélange la savane et les Amériques, met d'un côté la faune et de l'autre les lianes ? Liane, c'était aussi le diminutif que Paul donnait à christiane dans "Montoriol", le roman thermal de Maupassant, mais passons en faisant un détour : n'est-ce pas le lot d'un poète labyrinthique que de se perdre dans ses détours ? Je vous demandai tantôt si vous aimiez mieux les forêts ou les labyrinthes ; je vous demande à présent ce que vous préférez, du végétal ou de l'animal. Car cette nuit, j'écoutais sur RCF l'émission "visage" quia vait pour invité le botaniste Francis Hallée. Vous pouvez la réécouter ici, elle en vaut la peine : http://podcast.rcf.fr/emission/143216 Le vieux chercheur y développe trois considérations qui ont retenu mon attention (attention, deux charades peuvent en cacher une troisième). 1. Il décrit d'abord le véritable "enfer vert" qui germe sous la déforestation : comme on coupe les cimes, l'environnement céleste des forêts, ma première charade, se dégradde. La lumière ne peut plus déployer du ciel l'énergie moléculaire grâce à laquelle les plantes, non seulement n'ont pas besoin de se nourrir, mais peuvent faire venir la pluie. la lumière verse sur la terre, et la forêt devient sauvage, comme celle que décrivait Chateaubriand comme parangon sublimé de la nature non domestiquée. Et Francis Hallée de prodiguer ce conseil judicieux : plutôt que de désinvestir à perte en coupant du bois, il serait plus rentable de capter l'énergie qui nourrit la plante sans gaspiller une autre ressource naturelle. 2. On dit que végète un homme qui se perd dans la luxuriance de ses forêts intérieures ou qu'est devenu un légume celui qui n'est plus bon à rien d'utile. On a répondu à ma second question : "préférez-vous être un animal ou un végétal ?" en dépréciant le végétatif. Or, en méditant sur le Mystère de "l'Esprit qui planait sur les eaux" "en tête" de la Création ou dans le principe créateur, je considérai combien l'Acte de Celui dont procède ce mouvement perpétuel qu'est la nature avait été ressenti par les Ecritures comme essentiellement végétatif. J'en ai donc conclu qu'au lieu d'aspirer à poser des "actes libres", Sartre ou Gide auraient mieux fait de nous inciter à nous poser dans des actes végétatifs, car L'esprit est végétal, l'inspiration ne travaille pas, elle pousse dans le mûrissement qui nous la fait recueillir dans le jaillissement de la transe outrancière ou la patience assidue du travail ascétique. 3. Et si nous ne nous intéressons pas aux plantes parce que nous nous sommes perçus comme des animaux, qui se permettent d'empiéter sur l'espace vital, quand ce n'est pas sur la vie de l'autre, c'est que nous ne nous plaisons qu'à la similitude, d'abord à la paresse de l'imitation, puis au dévoiement de l'énigme dans le miroir en contemplation pigmallioniennes de ses projections intérieures, ou bien en banal narcissisme, qui met les cimes sur canapé : je suis l'énigme et le miroir, et Je prends des cimes en apéro ! Nous ne pensons pas à l'autre parce que nous ne commençons à nous intéresser à lui que quand nous réalisons à quel point il nous ressemble. Nous ne nous projetons pas extérieurement. Pensez si nous pouvons être sensibles au tout de ma troisième charade : mon premier est une interjection hélante ; mon deuxième doit infuser ; mon troisième est ce que fait le petit mammifère humain après avoir ingurgité son biberon ; mon quatrième sert à comparer proverbialement le père au fils ; mon cinquième est la voyelle rouge (ou la voyelle au label rouge rimbaldisé) et mon tout est ce phénomène, mis en lumière par Jules Monerot, au terme duquel il ne suffit pas que "les sociétés humaines [ne comprennent jamais] l'histoire qu'elles vivent", mais l'histoire arrive avec une sorte de fatalité à un autre résultat que le but qu'elle s'était assigné. On est loin de l'optimisme hégélien. Et c'est ainsi que couper du bois nous prive de l'énergie des forêts et qu'il vous faut répondre ici : julien.weinzaepflen@laposte.net