dimanche 4 novembre 2012

La charade du certain point

A quoi sert-il de dialoguer, de se parler ? On a cru longtemps que les maïeuticiens voulaient faire accoucher les hommes de leur personne en leur posant des questions... ironiques. On s'est aperçu, à mieux relire socrate, que celui-ci savait très bien d'où partait son interlocuteur et où il voulait le faire arriver. Ce n'est pas qu'il ironisait sur des broutilles, des peccadilles, il se moquait de son disciple, qu'il appelait son aimé (d'ailleurs il fut condamné pour "corruption de la jeunesse" et pour irréligion), avec intention. Ou bien on se sera moqué de nous quant à l'enseignement prétendument libératoire de ce penseur despotique, qui prétendait mépriser l'art de persuader des sophistes, dans lequel il était passé maître, et se servait de la tendance naturelle qu'a la conscience à se tutoyer en pensant, pour en faire épouser le mouvement au sujet qui lui servait de miroir aux questions. Lorsque je dialogue avec quelqu'un, je n'ai pour ambition que de lui permettre de s'énoncer ou, si vous préférez une expression plus simple, d'exprimer sa qualité d'être, de présence au monde, sa relation à la vie, de presser son jus, non à mon intention, mais pour qu'il se répande. Je peux m'imaginer être incontinent transformé à son contact, mais je suis trop sûr de moi pour oser parier que cette transformation sera plus que superficielle. L'autre, me voyant si bien disposé à le laisser se dire, se dit qu'il va trouver en moi un levier pour me soulever et me retourner, non seulement à son expression, mais à son identité, au point de changer la mienne, patte à crêpe. Combien il est déçu quand il me voit plus indéracinable que le plus entêté des arbres. Il se peut que l'enraciné ne soit que cabré en terre, en fait de certitude de soi. Peu importe. Le dialogue permet une transformation réciproque, mais il ne la permet jamais telle que l'un des discoureurs devienne l'autre. Il ne le peut jamais jusqu'à ce que la somme des points d'accord dessine un neutre signifiant absolument définitif. Il ne le peut jamais jusqu'à ce que la somme des torts d'un seul devienne la raison des deux. Comment dire ? Le dialogue ne peut aller que jusqu'à un certain point, et c'est son point d'honneur s'il va jusque là. Si l'un des dialogueurs n'est pas d'accord sur cette prémice, le point où n'aura pas voulu le rejoindre celui qu'il escomptait transformer de fond en comble deviendra point de non retour. Beaucoup de dialogues expirent sur des malentendus parce que l'un espère secrètement s'assimiler l'autre, pour qu'il admette et vienne à reconnaître qu'il n'était rien avant que l'aiguillon de l'autre l'ait entièrement refait, et qu'il n'était qu'erreur avant cette prise de parole, erreur sans justification, égarement sans chemin, errement sans voie. L'autre à tort d'essayer de le faire venir à : mon premier qui est une narration ; mon deuxième qui est un nombre vacher, mais pas d'or ; et mon troisième qui était ce que devaient acquitter les contribuables qui prétendaient prendre part au vote, contributions dont tirent aujourd'hui parti, pour universaliser le suffrage, les partisans du vote des étrangers ; mon tout étant l'état d'abjuration auquel il ne faut pas aspirer, m'est avis, à moins d'un miracle, à retourner celui avec lequel on veut subir ensemble la transformation par le dialogue, jusqu'à un certain point. Ne vous parjurez pas ici : julien.weinzaepflen@numericable.fr

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