Le remue-méninges 53, vous vous souvenez ?
"Mon père avait raison" (Sacha guitry).
Ludo, dont nous allons décortiquer la "composition" (françoise) ne le pense pas. Moi non plus d'ailleurs.
Vous vous souvenez ?
D'abord : "On naît seul et on meurt seul." Quelle erreur dans cette affirmation ! Ou plutôt, où est l'errreur ?
Mais je ne vous ai pas encore présenté Ludo.
Ludo, dis bonjour à la dame !
"Bonjour, Julien,
Tu aurais du avoir ma réponse hier, mais un disfonctionnement d'Outlook
Express a fait que mon message a disparu alors que j'étais en train de le
faire et je n'ai pas eu le courage de le refaire, alors espérons que cette
fois-ci c'est la bonne."
Bon, voyez-vous ça ! Voilà qu'il me prend pour la dame et qu'il prend la dame pour le facteur.
Mais le facteur n'est pas là, Ludo, c'est Poutou qui le remplace.
Des poutous, des poutous, vous voulez des poutous ? Des petits poutous tout doux ! "C'est la lutte finale" !
En en-tête de sa profession de foi postée à tous les électeurs en 2007, Olivier Besancenot avait écrit :
"Le facteur sonne toujours deux fois !" Du fait, il n'y est pas revenu.
Mais où en étions-nous ?
Ah oui, Guitry, "mon père avait raison" (que j'ai vue jouer au théâtre Edouard VII par Claude brasseur et son fils alexandre, un régal ! Le théâtre edouard VII, dirigé par bernard Murat ; Bernard Murat, un ami de Ségolène et françois ; François qui, même si la Hollande n'est pas la France (c'est bas de pays, pardon, de plafond), cet homme plat de Hollande, c'est quasiment plié, prendra ses quartiers d'hiver au palais d'été de l'Elysée, où il invitera Bernard au salon Murat, décoré de tulipes, en l'honneur du nouveau locataire du pays, pardon, du salon, qui ne doit pas être bas de plafond !
Et donc ?
Et donc Ludo n'était pas d'accord avec mon père, ni moi non plus.
Mais d'abord Ludo (je t'en prie, passe devant, après vous, cher ami, après vous) :
"Pour moi, le problème de l'affirmation "On naît seul et on meurt seul" Vien
du fait qu'on ne peut pas naître seul puisqu'il faut une maman pour naître,
non ?"
Une maman et des sages femmes !
Une drôlerie dont vous avez dû entendre parler : en français où c'est le masculin qui l'emporte jusque dans la langue (ah, "la domination masculine"!, un salut posthume à Pierre bourdieu, "la grammaire est fasciste" (roland barthes), la profession de sage femme fait exception : un homme est sage femme s'il aide les parturiantes à mettre bas.
Passons aux auteurs :
Rousseau, au début du "Contrat social" :
"L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. (...)
La plus ancienne de toutes les sociétés, et la seule naturelle, est celle de la famille : encore les enfants ne restent-ils liés au père qu’aussi longtemps qu’ils ont besoin de lui pour se conserver. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. Les enfants, exempts de l’obéissance qu’ils devaient au père ; le père, exempt des soins qu’il devait aux enfants, rentrent tous également dans l’indépendance. S’ils continuent de rester unis, ce n’est plus naturellement, c’est volontairement ; et la famille elle-même ne se maintient que par convention."
"La famille ne se maintient que par convention", ce qui rappelle cette définition de renan :
"La nation est un plébiscite de tous les jours".
On dit que rousseau est le père de l'individualisme occidental. Son terme est l'indépendance, le nôtre est l'autonomie. Il ne marque guère de gratitude envers ceux qui lui ont assuré les premiers secours. Ce n'est pas le cas de Maurras, qui se voulait le théoricien d'une "science politique" organique" et pour qui nous naissons tous, "débiteurs insolvables". C'est aussi l'idée de Freud, pour qui "la charge de la dette" est très importante chez l'homme et est à la racine du sentiment de culpabilité.
Mais enchaînons.
Ludo reprend la parole, je le laisse résoudre la première charade :
"Charade une
1 S, e, a, u, Tu crois vraiment qu'on passe pour un playboy avec un seau et
une pelle ?
2 L, i, t, Est-ce le pucier du puceau dont tu parles ?
3 L, o, q, u, e, Etre une loque veut dire normalement manqué d'énergie, rien
à voir avec le fait d'être une épave, engloutie ou pas d'ailleurs,
Savais-tu que c'est aussi une maladie chez certains insectes comme l'abeille
ou la fourmi ? Cette maladie fait pourrir leurs œufs.
Mon tout est donc Soliloque S, o, l, i, l, o, q, u, e, Doit-on considérer
que le fait de parler tout seul est un soliloque ?"
Voici ma réponse, et nous irons tout au long comme ça jusqu'au classement (d'où il appairera que, pour cette charade, les charadiers ont joué entre eux :
"Charade une :
L'expression "play boy de bacs à sable" a été inventée (ou popularisée) par
Renaud dans sa chanson "Morgane de toi". Tiens, à propos, d'où vient ce mot
"morgane" ?
3 Si, une loque est un synonyme d'une épave, dans la mesure où il existe un
mot pour qualifier ainsi les "loques humaines", mot pas très élogieux ni
respectueux d'ailleurs.
Décidément, aujourd'hui, pour moi, c'est le jour des insectes. Ma mère m'a dit tout à l'heure qu'elle avait regardé une émission dans laquelle on se félicitait de la perspective de manger bientôt des sauterelles comme en
Indonésie ou je ne sais plus dans quel autre pays. Je lui ai demandé si
elle s'entendait parler, car elle s'en réjouissait aussi. Ca ne suffit plus
aux médias de nous faire avaler des couleuvres, il faut maintenant qu'ils
nous fassent avaler des sauterelles, cette "plaie d'Egypte" avant l'exode. Nous nous nourrirons de "sauterelles et
de miel sauvage" comme Saint-Jean-Baptiste, ça nous change du lait et du miel des mielleux grands soirs et des "lendemains qui chantent" ! c'est sans doute pour se faire la voix qu'on mange un peu de miel avant, comme les ours ! Quand on écoute sans broncher de
telles fadaises, je me dis qu'on est tombé bien bas.
Ta décomposition ne me fait pas assez kifer, je parle comme les jeunes, je
ne te donne que 4 points pour elle, auxquels s'ajoutent les 6 points dont tu
es gratifié pour avoir trouvé la charade : tu es le deuxième à l'avoir fait après Abdel.
Bon, je ne voudrais pas soliloquer sans te répondre que, oui, parler tout
seul, c'est faire un soliloque, mais qu'un soliloque a une connotation plus
intérieure que le fait de parler tout seul.
Nous en sommes à 11 points."
Vous avez vu comme j'ai soigneusement gardé le lit ! C'est-à-dire que je n'ai pas fait entrer Ludo dans ma chambre. Du coup, il nous attend, les doigts sur la couture du pantalon, pour la deuxième charade. Mettons-nous au "garde-à-vous", voici Ludo qui fixe sa réponse en réclamant notre attention :
"Vottre attention s'il vous plaît !"
Non, Ludo ne s'appelle pas Simonne. Ce n'est pas lui qui parle dans les halls de gare. "En voiture simonne, c'est Ludo qui conduit. Il a le permis ? pour les voitures du futur."
"Charade deux
1 M, o, n, o, abréviation de monophonique, quant-on a goûté au son stéréo,
c'est difficile de revenir au mono.
2 L, o, g, i, n, Login, pseudo ou identifiant, tout ça c'est fait pour nous
embrouiller car en fin de compte, il nous demande simplement un nom, non ?
3 T, h, é, Il infuse sans avoir la science ? La science infuse bien sur lol,
en cherchant dans Dic, je viens d'apprendre qu'on le dit pour la
transfusion, infuser du sang dans les veines, je ne l'ai jamais entendu dire
et toi ?
3 R, i e, u, r, Tout bon railleur vit au dépend des rieurs qui l'écoutent,
ça ferait une bonne morale pour une fable, non ?
Mon tout est donc le monologue intérieur d'Edouard Dujardin."
Ma réponse : :
"Superbe décomposition, je te réponds au fil de la lecture,
donc je ne suis pas influencé par ce que je peux avoir pensé de la
précédente. D'ores et déjà, tout ce que tu me dis te vaut dix points+les 6
points de la charade trouvée le deuxième. Tu en es à 27 points, voyons à te
répondre.
Je n'avais même pas pensé à me demander de quoi "mono" était l'apocope, tu
m'apprends que c'est de monophonie.
2 Je ne vois pas l'embrouille du login, elle ne prend pas avec moi, tu n'as
pas eu de points pour celle-là.
Mais tu en as eu 3 pour le thé. (Je n'ai pas été chic, je n'ai pas infusé mon sang à Ludo.C'est peut-être parce que, par ailleurs, je dois faire une étude pour un ami, dans laquelle les croyances des témoins de Jéhovah, qui sont contre les transfusions sanguines, est sur la sellette).
4 "tout railleur vit aux dépends des rieurs qui l'écoutent", Tu viens de
faire un dicton en pastichant une morale de fable fromagère. On dit que la
république l'est aussi, d'autres fois on la dit bananière, on dit même qu'il y a une "République bananière des lettres", je ne voudrais pas glisser sur cette peau de banane, c'est l'etat qui a des trous ou bien
le lien social qui est par terre avec ces élections ?
Comme je suis un questionneur insatiable, j'avais demandé la différence qu'il y avait entre le soliloque et le monologue intérieur, et j'avais mis sur la voie en proposant de trouver que c'était la même qui existait entre l'exclamation et la déclamation. Ludo relève le défi de la dissertation :
"L'exclamation est un cri et la déclamation une récitation. La déclamation
est d'actualité en ce moment avec tous ces candidats qui nous promettent
monts et merveilles.
Je ne comprends pas trop la comparaison avec tes charades, le monologue et
la déclamation, ça, ça va mais le soliloque et l'exclamation me pose
problème, l'exclamation est brève et forte tandis que le soliloque reste un
discours, non ?"
Ma réponse (assez ponctuelle et pédantesque, comme vous allez voir, mais encore erronnée, je vous le signalerai):
""Je ne t'ai donné qu'un point pour la différence entre déclamation et
exclamation. Elle n'est pas tout à fait ce que tu dis : la déclamation n'est
pas que celle d'une récitation, elle se fait toujours dans un but oratoire,
de même que le monologue intérieur cultive cette différence avec le
soliloque qu'il est une construction artificielle, la restitution d'une
intériorité dans une visée extérieure, pour toucher un public, des lecteurs.
Le discours exclamatif qu'est le soliloque, au contraire, est vraiment
introverti, il n'a pas d'autre fin que l'expression de celui qui l'énonce
pour lui-même, pour se purifier, dans un but cathartique. Si la liberté
d'expression est si importante, c'est qu'elle a un but de purification. Le
tribun de la plèbe assumait en partie de purger la plèbe de ses mauvais
penchants en les reprenant à son compte et les exprimant en son nom. Le Pen
a un jour assumé ouvertement d'être un "tribun de la plèbe", ce qui l'a
définitivement discrédité à mes yeux. car ou on croit à ce qu'on dit, ou
bien on n'y croit pas, et on a si peu de respect pour soi-même et pour son
auditoire que ça ne nous dérange pas d'être une purge, un lavement, c'est
misérable et misérabiliste !
IL y a, à considérer cela, toute la différence
que l'on doit faire entre la liberté d'expression, qui est une purge
nécessaire, et la liberté de parole, qui se veut d'une efficacité
constructive.
En fait (et c'est là que je me mets le doigt dans l'oeil, je m'enfonce, je m'enfonce, pardon Ludo !), je crois que ta réponse n'avait pas cerné que ma comparaison croisait et opposait le soliloque et l'exclamation d'un côté, à
la déclamation et au monologue intérieur de l'autre, dont le paradoxe est
qu'il a une visée extérieure, et n'est stylisé que pour faire sens auprès
d'un public. (Ludo l'avait si parfaitement cerné qu'il ne voyait pas le parallèle, mais savait que c'était là que je l'attendais). C'est vrai qu'un soliloque exclamatif peut être considéré
comme un discours, à un double titre : d'abord l'exclamation crie, et le ton
du discours est celui du cri ; et puis, en stylistique ou en linguistique,
on appelle "discours" n'importe quel énoncé."
Mais rentrons encore plus avant dans "la République bananière des lettres" !
Ludo : "Sur la question : pourquoi les écrivains parlent de travail et non pas d'œuvre,
je pense que c'est parce que c'est leur moyen de gagner leur vie et qu'ils
ont des comptes à rendre à leur maison d'édition, tandis qu'une œuvre est le
résultat d'un artiste qui, lui, n'a pas de compte à rendre et qui n'a pas
d'honoraires fixes ; pour la plupart, leurs œuvres ne deviennent célèbres
qu'après leur mort, j'espère avoir réussi à traduire ma pensée."
Moi (toujours ponctuel, sauf pour les comptes rendus que je ne fais pas dans l'heure) :
"Je t'ai accordé un point pour ton hypothèse sur "le travail" et "l'oeuvre",
mais le mouvement est plus profond qu'une simple affaire d'à valoir. Les écrivains ne veulent plus faire
oeuvre. Dans le processus régressif qui est le nôtre, ils réfractent leur
ambition à ne plus vouloir faire sens, mais seulement signe. C'est à la
fois un aveu d'humilité et de modestie, mais aussi d'impuissance. C'est
l'aveu qu'on ne croit plus en la puissance de ce qu'on fait ni en l'utilité
de son art, c'est l'aveu qu'on travaille comme un dandy, en se pourléchant d'être décadent, c'est-à-dire de ne plus travailler pour la postérité, de ne plus croire en elle, de ne plus aimer que l'éphémère. Encore pourrait-on comprendre qu'on trouve cela "tellement plus beau lorsque c'est inutile", mais le beau n'est même
plus en question, l'esthétique n'est plus une valeur. Ces considérations me
pressent de poser sous peu une charade que j'avais envisagé pour plus tard."
Si l'on veut creuser plus avant cette distinction, entre "travail", "oeuvre" et... "action, je conseille la lecture de "La condition de l'homme moderne" d'Hannah arendt, où cette philosophe hiérarchise les trois termes de façon assez traditionnelle, mais tire les bénéfices de la réflexion marxiste sur "la division du travail".
Mais revoici Ludo qui tire notre char en me demandant de vous lâcher la grappe, car il est fier (c'est la Ludopride !) de vous présenter sa solution de la troisième chharade :
"Charade trois
1 C, o, n, Détrôner le roi des cons ? Pas possible, être plus con que le
roi, ça pourrait nous faire perdre la tête.
2 P, a, r, t, chacun a sa part des choses à faire, son quote-part à donner,
par exemple, toi avec ta charade et moi avec ma réponse.
3 T, i, y, i, Cette fois je l'ai retenu, pas besoin de la dépanneuse comme
la dernière fois.
4 M, e, n, t, je ne ments jamais car je ne voudrais pas que mon nez
s'allonge comme Pinocchio.
5 T, la lettre final de ment ou de la règle de l'architecte.
Mon tout est donc compartimenter C, o, m, p, a, r, t, i, m, e, n, t, e, r,
c'est aussi un bon moyen d'avoir une vie bien organisée, ne pas mélanger le
travail et la vie de famille par exemple."
Ma réponse :
"1 Détrôner le roi des cons, ça nous ferait décapiter avant lui, dis donc !
Le croissant me dit que les cons n'ont que faire d'un roi. Serait-il un peu
royaliste pour trouver attentatoire à la dignité royale que les cons
veuillent sacrer Ubu, l'aventurier antidom quichotesque qui n'a pas pour
cheval Rossinante, sa rosse s'appelle finance !
2 Jolie, cette invention du quote-part. De loin, je croyais que tu avais
confondu avec le code-barre, mais pas du tout. Et tu vois, les coïncidences
!
Ce matin, je lisais du rousseau. J'aime cet auteur et sa langue son lyrisme
introverti comme le plus sombre de ma personnalité, je suis plus partagé
sur ses idées pédagogiques et politiques, trop englobantes de l'individu
dans la société, aux dépends de la cité et de la vraie souveraineté de
l'Etat, à mon goût, mais qu'importe à mon récit, ou plutôt à mon anecdote,
pour que ça rime avec quote et, tu vas voir, avec "aliquote"! Tout à coup,
je tombe sur ce dernier mot. Je me dis :
"Qu'est-ce que c'est que cette bête-là, aliquote ?"
Je regarde dans dic, sans succès. Je me résigne et, me rabattant sur les
lauriers de mes connaissances endormies, je me rappelle le peu de latin que
je sais et que j'étale, comme si je le savais de science infuse ou exacte.
Et là, il me revient que "aliquote" ne peut que faire référence au pronom
indéfini "aliquod", quelque chose. Je me dis quand même :
"Ca alors, un mot pareil !" Sûr que, ne l'ayant jamais entendu jusqu'à ce matin, je le retrouverai dans la journée, et te voilà ! Qu'est-ce que tu dis de ça ? Il n'y a pas de rencontre minuscule, il n'y a que des émerveillements majuscules.
Dans les quote-parts que tu établis (ta quote tient en plus de la quantité,
c'est génial !), tu oublies que j'ai une troisième quote à verser pour payer
mon écot : celle de répondre à ta réponse. Je "chiade" un peu celle-ci, car
comme tu es un charadeur modèle, je prémédite de donner notre échange en compte rendu de ce remue-méninges.
Je voyais mon tout en participe, tu me le donnes en infinitif, pourquoi pas ?
7 points pour cette décomposition. J'ai beaucoup aimé le début, la fin m'a
un peu laissé sur ma faim. Voyons la suite.
Le problème de "compartimenter sa vie", c'est qu'on peut vite se cloisonner,
ce qui n'est pas très bon pour soi, et que les cloisons ne sont jamais aussi
étanches qu'on le croit, ce qui n'est pas très bon pour les autres."
Classement du remue-méninges 53 : soliloque, monologue intérieur, compartimenté :
1 Ludo (le 15 avril à 13h11) : 44 points ;
2 Croissant de lune (le 14 avril à 18h59) 32 points
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