mercredi 21 mars 2012

Compte rendu de la huitième charade, remue-méninges 32

C'est une gageure de faire un compte rendu ! C'est pourquoi je n'en fais pas toujours, bien que j'aie toujours envie d'en faire. Enfin, je fais au mieux.

On est déchiré entre le désir de tout dire, le temps qui nous manque pour tout dire, la crainte, si l'on ne dit pas tout, d'oublier des perles qui se sont révélées au cours du jeu, la crainte enfin que vous ne croyiez que le charadier ne vous dise pas tout, et de là vous cache tout et ne vous dise rien ; la crainte, si l'on dit tout, de faire trop long et que vous ne lisiez pas une chronique patiemment mise sur le métier et qui distrait d'autres ouvrages.

Or les composantes de cette charade valent qu'on s'y arrête, car les uns et les autres nous y ont donné des instructions intéressantes, certaines définitions appelant quelques leçons ou rappels concernant l'histoire de france, bien que le sujet de cette charade se soit voulu, à l'origine, une méditation sur la mémoire.

Sommaire :

I UNE DECOMPOSITION FRANCAISE
A.
1. Les bagnards.
2. Les ponts boîteux.
B. Saint-Remi et le baptême de Clovis.
1. Le roi guérisseur.
2. Réminiscence et anamnèse.
C. Qu'un sang impur.
1. Une liaison mal't'à propos ?
2. La marseillaise en quelques dates.
3. Le sang impur, signification ?
D. Le pronom réfléchi.
E. Le préfixe de répétition.
F. Le vivre et le mourir.

II LES DEUX GENEALOGIES DE LA REMINISCENCE ET DE LA RECONNAISSANCE
1. La réminiscence subjective.
2. La reconnaissance intelligible.
a) Le rappel.
b) La gratitude (ou Eucharistie).
c) La propitiation de la tolérance


I UNE DECOMPOSITION FRANCAISE
A. L'île de Ré.
1. Les bagnards.
2. Les ponts boîteux.
A. L'île de ré.
"Première charade :Mon premier est une île de l'Atlantique" :
Mouss répond :
"Ile de Ré, qui n'est plus une île depuis la construction du pont; où Jospin a une maison, sûrement pas l'ancien fort Vauban, un bagne ("Merde à Vauban que chante Léo Ferré). Les habitants sont les Rêtais jamais arrêtais."

1. Les bagnards.

Tiens, et si nous écoutions "merde à vauban" ?
http://www.youtube.com/watch?v=HwHpjJfN7cw

a)
C'est que beaucoup de bagna)ards furent enfermés à l'île de Ré, dont le plus populaire n'est pas le maréchal Pétain, que son indignité nationale poursuit jusqu'à ne pas permettre que son tombeau soit rapatrié à douaumont, au milieu des soldats de verdun, bataille qu'il passe pour avoir vaincue, oui, mais pas seul !

Pétain prétendait avoir fait le don de sa personne à la france et pressentait qu'y serait sacrifié son honneur, car il aurait à se salir les mains avec des autorités d'occupation qui ne faisaient pas de quartier. Sa position a pourtant permis à l'armée d'Afrique de pouvoir combattre aux côtés des américains, dont certains historiens prétendent que Pétain les attendait, mais aux côtés d'un entourage tellement acquis à la cause nationale socialiste que, malheureusement, cela discrédite la mémoire chancelante du vieillard qui passait, avant guerre, pour un officier républicain.

Le testament sacrificiel de Pétain ressemble, dans son écriture, au testament de Louis XVI, qui refusa que fût versé le sang du peuple de Paris. D'aucuns, dont je suis, ont vu en CE ROI? Louis XVI un ROI martyre ; d'autres préfèrent le tenir pour un gouvernant faible, comme ils voient en Pétain un officier sénile. Et d'ajouter que la faiblesse ne sied pas aux gouvernants, et la sénilité encore moins.

b)
Toujours est-il que Pétain, comme le bagnard de Léo ferré, fut détenus sur l'île de ré. Or leur condition de prisonnier a eu beau être la même, le bagnard de Léo ferré n'aurait sans doute pas voulu partager la tristesse de sa condition de détenu avec le maréchal Pétain, lui qui, non seulement couvrit la déportation de juifs pour des "ailleurs" qu'il préférait ne pas connaître, préfèrent dire ses agiographes, qui ne veulent pas lui faire l'once d'une critique, mais fit des mutins de 1914, qui s'opposaient à une guerre qui sacrifia inutilemen toute une génération d'Européens et fit le lit de la haine racialde la guerre suivante dont l'Europe ne s'est jamais remise, (Pétain fit de ces lucides mutins) des "fusillés pour l'exemple", quoiqu'on puisse éventuellement convenir que le conflit gaullo-pétiniste ultérieur illustra la théorie de l'épée et du bouclier.

Guidony a fait un chef d'oeuvre à propos de ses mutins. c'est sa chanson "Le bon berger" que je vous propose d'écouter ici :

http://www.dailymotion.com/video/xrupu_guidoni-olympia-83-5-le-bon-berger_music

Il y décrit le comportement de son père, espérant en Pétain en relisant Péguy. Pétain a de fait réussi ce paradoxe bizarre, à travers "la révolution nationale", au lieu de remettre du coeur au ventre aux Français occupés, de mettre leur défaite sur le compte de leur incurie, et de les culpabiliser au moment où ils avaient besoin d'encouragements, de prétendre les restaurer moralement au moment où ils avaient besoin de remontrer militairement de quoi ils étaient capables, pour bouter hors de leur pays un occupant dont le nationalisme racial était ennemi de l'humanité.

guidony imagine encore dans sa chanson son oncle Marcel voulant faire don de la ponte de ses plus belles poules au vieux maréchal, avant de dénoncer de nuit tous ceux qui n'auraient pas été de "vrais français". Cela rappelle irrésistiblement cette scène d'"au bon beurre" où l'opportuniste crémier Charles-Hubert Poissonnard et sa femme Julie, qui ne se privaient pas de dénoncer de nuit leur voisin Léon Lécuyer, évadé de son camp de prisonnier, vont offrir à Pétain, en faisant le voyage de vichy, des oeufs de canard acquis au marché noir, en les faisant passer pour des oeufs de poule. Comme Pétain s'étonne de la grosseur de ces oeufs, Charles-Hubert a le trait de génie de dire que, quand la poule a su qu'elle pondait pour le maréchal, elle y a mis tout son coeur et a pondu un oeuf d'une grosseur inaccoutumée. Dutourd imagine à cet instant la présence de l'éditorialiste de "gringoire" René benjamin, qui immortalise la scènê en rédigeant un article intitulé :

"Le miracle de la poule", et qui est un chef d'oeuvre de pastiche de ce que put être la propagande de la révolution nationale.

Guidony, en face de ce père falot et de cet oncle délateur, imagine la grand-mère du narrateur, qui cuisine des rutabagas. Si "tous les enfants de France ont un second papi", la grand-mère, elle, aimerait bien faire goûter ses rutabagas au vrai grand-père de ses petits enfants. Mais le malheur veut que celui-ci soit mort en 1917, "fusillé pour l'exemple par notre bon berger",parce que mutin du "chemin des dames". Voici la mémoire de Pétain face aux mutins prise en charge par Jean guidony, qui souligne, dans son introduction à la chanson qu'il va interpréter en public, que tous les chanteurs ont un homme politique dont ils aiment arborer fièrement l'étendard : Barbara, c'était "l'homme à la rose" ; Bécault, c'était de Gaulle ; guidony, retrouvant des photos jaunies de l'été 43, ce sera Pétain, enfin, à sa manière, la même dont Roger Martin du gard soulignera dans "Les Thibault" que Jacques, l'un des deux frères, celui qui n'y survivra pas, refusera de prendre part à la guerre de 14, parce que cette guerre, dira-t-il, est celle des marchands d'armes et des patrons, pas celle des Français (ce qui n'est pas tellement le problème de Jacques), mais surtout pas celle de la classe ouvrière. Ce patriotisme, non de nation, mais de classe, est aujourd'hui entièrement assumé par Nathalie Arthaud, un peu moins clairement par Philippe Poutou, et à peu près dissimulé par Jean-Luc Mélanchon, alors que l'internationalisme est une composante essentielle de la pensée trotskiste et que, plus il est revendiqué, plus proprement on peut parler d'une extrême gauche, encore que le mot "extrême" soit, pour la plupart de ceux qui l'emploient, un terme disqualifiant, ce qu'il n'est pas dans ma bouche. Reste que l'internationalisme, tout en se donnant pour une pensée unificatrice, ne peut pas exister sans se donner un ennemi ; et cet ennemi, comme chacun sait, c'est la bourgeoisie, "le capital", le patronat.

Pétain, le fusilleur de mutins, a fait ce que Papon, déportateur sans scrupule de juifs à Mérignac où il ne s'était même pas donné la peine de se déplacer pour aller voir ce qui s'y passait, fera, en sa qualité de préfet, dans des circonstances nullement exceptionnelles où l'Etat était souverain, dans la répression de la manifestation du 17 octobre 1961, on l'on retrouvera beaucoup d'arabes jetés à la seine. La cohérence d'un homme peut juger de celui-ci.

Ce disant, me suis-je contredit ? Ai-je donné un coup à droite et un coup à gauche ? Ai-je assuré mes arrières en ne prenant pas totalement à mon compte la théorie de l'épée et du bouclier dont je pense qu'elle est la bonne interprétation de l'antagonisme gaullo-pétiniste, même s'il se peut que les deux personnages principaux de cet antagonisme ne l'aient pas entendu de cette oreille ? De vrai, je ne crois pas m'être contredit. Je crois avoir montré de quel côté un Pétain ou un Papon penchaient, compte tenu de ce qu'en eux, primait l'ordre militaire, non corrigé par ce vieux précepte chrétien de "désobéissance civile" qu'on n'appelait pas encore ainsi, mais "complexe d'antigone", qui fut particulièrement bien théorisé par Saint thomas d'aquin jugeant qu'on ne devait pas obéir à un ordre, nous fût-il doné du souverain, qui contrevenait manifestement aux lois de dieu, à la loi naturelle, à ce que le croissant de lune appellerait la "Justice basique". La faiblesse de cette injonction de désobéissance légitime à un ordre injuste, qui met le commandement politique en discussion permanente de ses agents militaires ou judiciaires, est qu'elle peut enrayer le bon fonctionnement de l'Etat. Mais il est vrai que, si l'Etat est bien gouverné, des discussions de ce genre ne devraient être qu'exceptionnelles, en cas de manquement flagrant à la Justice, lequel devrait être perceptible de tous.

c)
Le bagnard de Léo ferré n'aurait pas voulu partager le sort de Pétain, de même que les nostalgiques de Louis XVI, s'ils plaignent souvent aussi le sort de Pétain, auraient peu de pitié pour le bagnard de vauban de Léo ferré. Dis-moi quel détenu tu plains, et je te dirai pour quel ordre tu penches. Mais je te plaindrai aussi, si tu n'as pas pitié de tous les détenus politiques ou de droit commun, à travers le monde. Je reprocherai à ton coeur sa dureté, car il faut avoir pitié de la condition pénitentiaire et de ceux qui la subissent.

d)
Tant que j'y suis, je vais aggraver mon cas. Nous avons entendu le bagnard du fort vauban de l'île de Ré chanté par Léo ferré, nous avons modérément commisséré à l'exil tardif du vieillard galonné de Verdun et de vichy, mais rappellerons-nous qu'ils partagèrent le triste sort de la détention avec le bagnard de l'"île du diable", le capitaine Alfred Dreyfus, lequel fut libéré par la révision de son procès qui ne l'acquitta pas, fut réhabilité même après une Grâce qui ne cassa pas les condamnations de ses deux premiers procès, et de l'innocence de qui il est désormais interdit de douter, quand même la culpabilité d'Esterhazy n'a pas été établie de manière irréfutable, mais surtout alors que l'affaire dreyfus a été d'une très grande conséquence, puisqu'elle a abouti à l'unification du sionisme et à l'érection du "foyer national juif" en Etat d'Israël au terme du "plan de partage", pour la préoccupation du monde, encore soixante ans après cette reconnaissance onusienne.

Si l'on trouve que j'érige là des ponts douteux, c'est l'histoire qui est douteuse et toujours révisable, dans les jugements que nous devons avoir à son égard, et à l'égard des conséquences dont l'interprétation historique a toujours décidé des constructions politiques qui essaient de corriger les blessures de l'histoire. C'est pourquoi il faut avoir l'honnêteté de reconnaître, avec Tristan Mendès France et Michael Prasan - du temps qu'ils animaient leur émission "Le sens des mots" sur RCJ (Radio communauté Juive -), quoiqu'ils aient été farouchement partisans de la répression des révisionnistes et des négationnistes de la shoah, que l'histoire est par définition révisionniste, ce qui fait que les historiens sont de plus en plus réservés sur les lois mémorielles.


2. Les ponts boîteux.
L'île de Ré n'est plus une île, se plaint Mouss. De fait, qu'est-ce que c'est que cette manie de relier nos îles par des ponts, de manière à les rendre accessibles en voiture et plus du tout par bateau ? Ludo nous apprend que ce pont fut construit en 1989.

L'été dernier, quand nous nous rendîmes à Noirmoutiers, ma mie et moi, nous nous plaignîmes, en montant dans le car et dans l'espoir d'être entendus que, puisqu'un pont reliait le continent à l'île sur laquelle nous pénétrions pour la première fois, nous ne saurions pas quand nous arriverion sur cet île. Mais tout à coup, nous entendîmes la merre battre les vitres du car. Ca y était, nous y étions. Et comme nous longions l'île, la mer ne battait que plus fort à nos vitres. Mais, en écoutant mieux, nous nous aperçûmes que, certes, nous avions entendu la mer ; mais que ce que nous entendions maintenant, ce n'étaient pas les embruns comme nous l'avions espéré, mais l'averse qui nous accueillait, à notre arrivée sur l'île.

B. Saint-Remi et le baptême de clovis.
"Mes deux premiers forment le nom d'un évêque aux origines de la france ;" (J'avais été tenté de vous formuler mes deux premiers en un bloc :
mes deux premiers sont les deux premières notes du mode dorien).

La réponse était évidemment Saint Remi, qui conduisit le roi clovis au baptême. De mémoire, seuls, Ludo et Jean-Nicolas me l'ont donnée. (Au fait, quelqu'un a-t-il des nouvelles de Jean-Nicolas ? Je suis inquiet de ne plus le lire, répondant aux charades, car il est assidu.)

Saint Remi (437-533) aurait vécu quatre vingt seize ans, soit le même nombre d'années que compta le cinquième siècle quand il baptisa Clovis, dont on n'est pas absolument certain que ce fut en 496 : il y a une marge d'incertitude entre 496 et 506.

Pour de plus amples informations biographiques sur saint rémi, je vous invite à vous reprter à ce qu'en dit wikipedia en cliquant sur le lien suivant :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Remi_de_Reims

1. Le roi guérisseur.
On connaît le miracle de la sainte ampoule, l'huile du baptême venant à manquer et l'esprit-saint y suppléant en apportant du Saint-chrème grâce auquel tous les rois de France, qui furent, à la suite de Clovis, sacrés à reims à l'exception de Louis VI, d'Henri IV et de Louis XVIII, eurent le pouvoir de guérir les écrouelles. Les rois de France ont ainsi été tenus pour taumaturges, et il y a de fortes chances pour que les miracles qu'on leur imputait soient véridiques, car on ne voit pas, sinon, comment leur pouvoir aurait tenu si longtemps. La formule rituelle du roi touchant les écrouelles le jour de son Sacre et en de certaines autres occasions marquées au cours de son règne était :

"Le roi te touche, dieu te guérit".

Avec la révolution, le regret le plus profond de ceux qui tenaient pour la sacralité du pouvoir du roi très-chrétien était sans doute du côté de ceux qui déploraient que l'on eût délaissé un régim fondé sur le pouvoir confirmatif du merveilleux, attaché aux promesses faites au Roi d'être béni dans l'exercice de son règne. Le roi serait reconnu pour légitime à régner, et son "droit divin" ne serait validé que moyennant qu'il ait un réel pouvoir de guérir. Les écrouelles viennent du bas latin scrofula. Le roi était donc censé guérir les scrofuleux. Voici ce qu'on trouve au sujet des écrouelles dans un dictionnaire de vulgarisation médicale :

"Les écrouelles sont des ganglions anormaux apparaissant au niveau du cou à la suite d'une infection chronique par la tuberculose. Et un peu plus loin, on trouve cette citation d'Eric le Labour (in "Les
rois maudits, l'enquête historique" : "Il semble que ce soit Saint-Louis (grand-père de Philippe le Bel), à travers la formule « Le roi touche, Dieu te guérit » qui instaure la pratique de ces rituels particuliers qui consistent à toucher les écrouelles le lendemain du sacre du roi pour que ceux-ci guérissent. Le toucher des écrouelles se poursuivra en France jusque sous Charles X qui, en 1825, touchera encore 121 scrofules dont 5 guériront."

Le 17 mars dernier, mourait Chenouda III, le pape des coptes, à l'âge de 88 ans, après quatre décennies de règne. (Pour une recension de cette information, voir par exemple cet article :
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/03/17/mort-de-chenouda-iii-patriarche-copte-d-egypte_1671548_3212.html
)

La personnalité de ce patriarche était très contestée en Egypte, notamment à cause du soutien sans faille que lui apporta Osni Moubarak, dont la femme Suzanne était copte. Il se dit beaucoup qu'Osni Moubarak sentait depuis longtemps la nécessité de quitter le pouvoir, mais que sa femme Suzanne et son fils gamal ont eu une très mauvaise influence sur lui. On accusait entre autres Chenouda III d'avoir développé en Egypte une police parallèle. On met peu en relief, dans la vie de ce patriarche, qu'il s'opposa si farouchement aux accords de Campdavid que Sadate ordonna son exil hors d'egypte. Mais où le rapprochement avec le roi sacré touchant les écrouelles s'impose ici, c'est que "le pape des Coptes" est le seul patriarche chrétien à avoir été constamment taumaturge. Un "pape des coptes" qui ne serait pas taumaturge ne pourrait pas longtemps régner. Cela s'explique en partie parce que la Tradition attribue au pape des coptes l'héritage de ce qu'on a appelé la chaire de Saint Marc, lequel ne serait autre, non seulement que l'évangéliste, mais que le jeune homme riche évoqué dans l'Evangile. Or voici comment se termine l'evangile selon Saint-Marc, juste avant l'ascension du christ :

"Et ce sont ici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom : ils chasseront les démons ; ils parleront de nouvelles langues ; ils prendront des serpents ; et quand ils auront bu quelque chose de mortel, cela ne leur nuira point ; ils imposeront les mains aux infirmes, et ceux-ci se porteront bien." (Marc, 16,17-18)



Le "pape des coptes" a toujours pris au sérieux la fin de l'evangile de celui dont il occupe la chaire ; les évangélistes d'aujourd'hui basent leur prédication sur des signes et des prodiges identiques, qu'ils affirment vérifiables. Leur mérite est à mes yeux de vouloir que l'Absolu dont ils témoignent soit confirmé par le merveilleux dont s'accompagne leur témoignage. N'ayant pas fréquenté assez assidûment leurs assemblées, je ne puis dire dans quelles proportions cette confirmation est attestée. Mais je parie quand même que, si la supercherie était totale, ils auraient été démasqués depuis longtemps.


2. Anamnèse et réminiscence.

On a tenu pour puérile l'engagement baptismal contracté par clovis, sous prétexte qu'il aurait été fait à la suite d'un chantage :
"Dieu, en qui la reine clotilde croit, donne-moi la victoire, et je me convertirai à Toi."
Clovis tint parole et, avec lui, furent baptisés trois mille de ses soldats, ce qui permit que soit posée la question du "baptême d'une nation", point qui tend à être récusé par un grand nombre de théologiens, sous l'influence de la laïcité.

Les paroles adressées par Remi à Clovis sont demeurées célèbres :

"Courbe la tête, fier sicambre,
, abaisse humblement ton cou.
Adore ce que tu as brûlé et brûle ce que tu as adoré.»

La première fois que j'ai lu ces paroles, je n'ai pu m'empêcher de me demander ce que c'était qu'un sicambre. ô surprise, un sicambre, c'est moi :

Sicambres
Peuple germanique établi dans le bassin de la Ruhr. Une partie d'entre eux
s'installa en Gaule, et, au IIIe siècle, se mêla aux Francs.

Bien, nous voilà renseignés, Clovis est un ancêtre de nos sidérurgistes.
Je ne sais pourquoi ce mot sicambre, sans doute parce que je l'ai découvert au même moment, me fait invariablement penser au mot zoïle. Méfiez-vous : si je vous le signale, c'est qu'il pourrait bien tomber lors d'une prochaine charade. Mais qu'est-ce qu'un zoïle (ou plutôt qui était zoïle ?)

Zoïle
Zoïle (en grec, Zoilos)
(IV éme siècle avant Jésus-Christ), sophiste grec; célèbre par ses critiques exagérément sévères des oeuvres d'Homère.

C'est ainsi que, moi qui ne suis pas Homère, je peux avoir mon zoïle. En ce qui me concerne, j'ai de la chance, j'en ai deux : le croissant de lune et Mustapha, pas tous les jours, mais plus souvent qu'à leur tour.

Or mes zoïles nous éloignent de notre clovis se faisant dire au baptistaire au milieu de ses soldats qu'il doit adorer ce qu'il a brûlé. On comprend la proposition inverse : les païens, pour devenir chrétiens, devaient brûler leurs idoles, au moins dans leur coeur. Mais faudrait-il supposer que le barbare clovis, avant d'être baptisé, aurait brûlé quelques effigies chrétiennes et, si oui, lesquelles ?

A la fin de la messe célébrée par lui au bourget le 1er juin 1980, un peu moins de trente-deux ans avant que françois Hollande n'annonce au même endroit que la première mesure qu'il prendrait serait d'inscrire la laïcité et la loi de 1905 portant (implicitement) séparation des eglises et de l'Etat dans la constitution française, à la fin d'un développement sur la culture où il déclarait que "l'homme était la route de l'Eglise", Jean-Paul II posa cette question qui contribua à rendre difficile son voyage à reims, seize années plus tard :

"France, fille aînée de l'Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ?"

C'était tout d'abord replacer la france dans un héritage chrétien avec lequel une bonne partie d'entre elle ne se reconnaissait plus : "fille aînée de l'eglise" ; c'était ensuite reconnaître une croyance dans le "baptême des nations" ; c'était enfin demander à la fille aînée de l'eglise (en tant que nation) et à la mère de la laïcité des comptes sur sa fidélité à un baptême dont il aurait fallu qu'elle se souvienne. C'était, en un mot, s'attendre, moins à ce que la France ait gardé quelques réminiscences de son baptême, qu'à ce qu'elle en fasse une anamnèse, savoir un retour volontaire à sa mémoire.

C. Qu'un sang impur.


"mon quatrième est rouge ou bleu, mais jamais impur ; donc il est blanc ?" Troublant !

Mouss écrit :

"4 sang s a n g. Je me suis toujours demandé pourquoi le sang des nobles était bleu. Est-ce parce qu'ils voyaient toujours rouge?...

A partir de la Révolution, ils avaient du mauvais sang à se faire."

Un jour, j'ai écrit au croissant de lune, cela a été reproduit dans l'un de ses compte rendus, qu'à sa différence lunaire, le Torrentiel avait le sang bleu (il est pourtant vrai que les torrents no'nt pas la couleur de la mer !) Mon jouteur adversaire n'eut pas de mal à me répondre, en sa qualité de "praticien de santé" que, si j'avais le sang bleu, c'est sûrement que j'avais un ématome. Depuis, je ne veux plus me bleuir, et encore moins passer pour un bleu !

Quand je vous disais que nous étions dans une décomposition française ! Nous passons du baptême de clovis à la révolution. Est-ce que j'écris comme un ultra ?



1. Une liaison mal-t'à propos ?Commençons par nous demander pourquoi faire une liaison aussi malt'à propos que celle du sanq'impur ! Car, si l'on s'en était tenu au nom et à l'adjectif qui devaient être reliés, ç'aurait été le sanj'impur qu'on aurait dû attendre. Cela certes aurait fait moins martial ! Ca aurait fait de grands "splatch", comme fait le sang quand il gicle, pauvre sang des êtres carnés !

Eh bien non ! Car on a oublié qu'un grand homme se dit un grant'homme Et dans quelques locutions figées comme celle qui nous intéresse, le "g" devient "k" ! On prononce le "g" avec l'accent alsacien.

Pourquoi ? Le Français s'est pour ainsi dire développé en sens inverse des langues qui se sont vocalisées. Il s'est déconsonnantisé, tandis que beaucoup de sons, formées à base d'une voyelle et d'une consonne, se sont nasalisés. Mais écoutons les spécialistes :

"La liaison est la prononciation dans certains cas d'une consonne qui n'est généralement pas entendue, suite à un amuïssement ancien. Cette consonne est située après la dernière voyelle du mot et avant la voyelle initiale du mot suivant. Elle rappelle que toutes les consonnes étaient prononcées en ancien français même si certaines ne sont plus que graphiques. Au contraire de l'élision qui supprime une voyelle (une amie), la liaison ajoute une consonne. (...) – Le g vélaire sonore se prononce [k], vélaire sourde. Un long article. Un sang impur. Bourg-en-Bresse. Cette prononciation est vieillie et ne se pratique plus guère. Le g a tendance à conserver son timbre même en liaison. "

2. La marseillaise en quelques dates.

D'abord, la marseillaise aurait dû s'appeler "la strasbourgeoise", puisque les paroles en furent écrites par claude Joseph rouget de l'Isle (affluent du rhin passant à Strasbourg) à la demande du maire d'icelle ville, le baron Frédéric de Dietrich, au domicile de qui elle aurait été exécutée pour la premièe fois). On craint aujourd'hui de ne plus connaître le compositeur de la musique de ce qui devait devenir une hymne soldatesque, puis notre hymne nationale. Dans mon enfance, on disait que la musique avait été composée et accompagnée au clavecin par la nièce de Rouget de l'Isle. On a l'air d'en douter aujourd'hui.

3. Le sang impur, signification ?

La marseillaise-strasbourgeoise fut composée dans la nuit du 25 au 26 avril 1792, adoptée une première fois par le comité de salut Public le 14 juillet 1795, abandonnée par l'Empire au profit du "chant du départ", puis adoptée à nouveau par la troisième Répubique le 14 février 1879 ("le sank'impur" le jour de la Saint-valentin).

Sont réputées impures quatre vingt jours après leurs couches les parturiantes, par le lévitique, ce livre même dont j'ai extrait la citation que "l'âme de la chair, c'est le sang" (Lévitique 17:11).

Mais le sang impur de la marseillaise n'est pas celui des parturiantes. Je cite :

"Aujourd'hui, en France, les paroles de La Marseillaise sont parfois critiquées. C'est le vers Qu'un sang impur abreuve nos sillons qui est notamment décrié et parfois qualifié de raciste.
Or quand on parle de sang impur dans la Marseillaise, ce n'est pas celui des ennemis dont il est question, mais du sang des hommes du peuple prêt au sacrifice pour défendre la patrie en danger contre les armées coalisées de l'aristocratie européenne contre-révolutionnaire, Contre nous de la tyrannie... L'Unité du genre humain avait été inscrite dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen. La Révolution abolitionniste de Saint-Domingue avait triomphé.

En pleine guerre révolutionnaire et surtout contre-révolutionnaire, ce vers évoque un appel au martyre contre la noblesse, classe sociale fondée sur l'hérédité et dite de « sang pur » ou de « sang bleu »." En résumé, "le sang impur" serait offert d'être versé par le peuple à l'encontre d'une noblesse au prétendu sang pur et bleu, qui s'illustrerait dans des menées contre-révolutionnaires. Que cela se tienne historiquement, nous pourrions l'admettre, si autant d'allusions n'étaient pas faites, dans les paroles de "La marseillaise", si ce n'est pour en appeler à ce que le sang étranger abreuve les sillons français, en tout cas en haine manifeste de l'étranger.



Valéry Giscard d'Estaing avait déjà ralenti la musique de "La marseillaise" ; le Père Jean toulat, après alphonse de Lamartine, victor Hugo et... Mireille Mathieu, a lancé un appel au début des années 1990 pour que soient changées les paroles de "La marseillaise". vingt ans après, je ne pourrais que soutenir cet appel. Le plus drôle est que son initiateur, le Père Jean toulat, était un cousin de Jean Ferré, fondateur de "radio courtoisie", bien que les deux hommes n'aient pas du tout partagé les mêmes idées.


NB :

1. Pour consulter les paroles de "La marseillaise", cliquez ici :
http://www.marseillaise.org/english/francais.html

Pour entendre Jessye Norman chanter (fort laidement) "La marseillaise" lors de la célébration du bicentenaire de la révolution française, cliquez ici :
http://www.youtube.com/watch?v=1QQ2k3UpHwQ

(Elle chante même en décalage avec le choeur.)

D.
Le pronom réfléchi.

Ici, cette simple citation de la définition suffira, avec la solution qu'en donne Mouss. Il s'agit d'avoir à l'esprit les verbes pronominaux, dont nous approfondirons les différents genres une autre fois :

Moi :
"mon cinquième est un pronom réfléchi ;

Mous :
"
5 se s e. Pronom réfléchi (renvoyant au sujet lui-même) personnel de la 3ème personne du singulier, du masculin comme du féminin, pouvant être C.O.D. ou C.I.D. (j'aurais plutôt écrit : c.O.i. : l'essentiel est que l'on comprenne que le pronom réfléchi peut être indifféremment complément d'objet direct ou complément d'objet indirect du verbe pronominal.)

Le jeu entre les finales des deux charades nous fait percevoir que les deux "ce"(ou "se"), que l'on peut confondre dans l'orthographe grammatical, n'ont pas la même nature : le premier, s'écrivant "se" et entrant dans la conjugaison d'un verbe pronominal, est pronom réfléchi ; le second, s'écrivant "ce" et montrant un objet, est adjectif démonstratif. Mouss complète en parlant des particules démonstratives "ci" et "là" : "ci" est la particule de ce qu'on va exposer ou de l'objet le plus éloigné : celui-ci (fait référence au premier élément nommé dans une énumération), voici (fait référence à une matière qu'on va exposer) ; ""là" fait référence au dernier élément nommé dans une énumération et, dans "voilà", à ce qu'on vient d'exposer).

E.
Le préfixe de répétition.

Nous entrons ici dans la seconde charade, celle qui avait pour solution "reconnaissance" :

Ce sont deux éléments de "radio coulisse" qui m'arrêtent ici : une drôlerie de Ludo et une autre de babeth.

Ludo m'écrit :

"1 R, e, dont on se sert pour la notion de répétition comme dans Reblochon,
fromage cuit deux fois (bien, Ludo, tu m'apprends donc qu'il y a le blechon et le re-blechon).

Quant à Babeth, voici ce qu'elle m'écrit :

"
coucou Julien
reconnaissance
re ( redire une autre fois) co" (après m'avoir dit "coucou" ! Pour Babeth, "re" est le perroquet du "cou" : je me demande comment chante son coucou. Vous me direz que, pour Mouss, "ti" est la moitié d'un "titi", Babeth a été élevée à bonne école.

Tiens, puisqu'on parle du maître d'école, le voilà qui parle de "re" à la "hareu hareu" :

"
= 1 re r e: il fait et refait... je n'ai pas dit "dans sa culotte..." Forcément, le maître est sans culotte.
Mais laissons-le poursuivre :
"
2 co c o copilote, co-adjuteur... "and co" des Anglo-Saxons. Anglo-Saxons qui n'aiment pas qu'on les appelle ainsi, comme les Français n'aimeraient pas qu'on les appelle toujours "Gaulois"."
Tu entends, croissant de lune ?

F.
Le vivre et le mourir.

Ma définition disait :

"mon troisième fait le contraire de mourir ;".

Ludo me répond:
"3 N, a, î, t, moi, j'aurais dit que le contraire de mourir était de vivre,
mais je ne vois pas d'autre contraire pour naître."

Il se trouve que d'autres personnes, à qui j'avais posé cette charade, m'ont fait la même remarque.

L'objection de Ludo fait mieux que se défendre :le contraire de mourir, c'est vivre ! Mais, à y mieux réfléchir, vivre est le contraire d'être mort. Tandis que naître, en effet, est le contraire de mourir. La preuve, c'est qu'on ne voit pas d'autre contraire à "naître" que "mourir". Mais peut-être que "naître" serait le contraire de "mourir", tandis que "vivre" serait le contraire du "mourir". "Le mourir" est un processus lent, le "vivre" aussi, d'ailleurs ! Cherche désespérément une philosophie qui ne nous apprenne pas à "mourir", mais nous enseigne le "savoir-vivre" !


II LES DEUX GENEALOGIES DE LA REMINISCENCE ET DE LA RECONNAISSANCE

1. La réminiscence subjective.

a)
Réminiscence, réminiscence ! et dire qu'au début de ce compte rendu, j'ai parlé de l'affaire dreyfus, mais Proust aussi, lui, le fils de Jeanne-clémence Weil qui, tout au long de "La recherche", s'est amusé à brouiller les pistes ! Son père était antidreyfusard, lui était du parti inverse ; mais être du parti inverse, c'était "en être", comme "en être", c'était être du côté des "invertis". Alors, en était-il ? Et en était-il fièrement ou comme on est fier de "ses parties honteuses" ? Car une chose est sûre : c'est que Proust n'était pas fier d'être "inverti", ni que son "albertine" fût son chauffeur Albert, son fugitif chauffeur ! (Mais comment ne pas être fugitif quand on est chauffeur ? Quand on est un chauffeur motorisé? Il y a de quoi vous destiner à être un chauffard de l'amour, je n'ai pas parlé de "Monsieur Paul", Monsieur Maillot !) Dans "L'hymne à la réminiscence" qu'est "La recherche du temps perdu", qui est aussi la "Chronique de la vie d'un snobe", Proust s'emploie à merveile à brouiller les pistes, en particulier sur ce chapitre de l'affaire dreyfus : en est-il ? N'en est-il pas ? A priori, il en est. Mais comment expliquer, en allant un peu plus loin que le simple point de savoir que son père était un lecteur régulier de "L'action française", tandis que sa mère préférait Madame du défand et sa grand-mère Madame de sévigné, cette correspondance admirative de Proust à Maurras, où il lui écrivait que, chaque jour, en lisant "L'action française", il prenait "une cure d'altitude intellectuelle" ?

Lorsque j'ai posé cette charade, je n'étais pas allé chercher très loin. J'étais allé chercher dans ma mémoire, à faire l'apologie de la réminiscence subjective, comme Proust est passé maître à la faire, à travers l'apologie de la "petite madeleine" qui avait réveillé en lui le souvenir des aubépines, de la sonate de Vinteuil, et puis "du côté de Guermantes", à faire comprendre au narrateur pourquoi swann avait épousé Odette pour retenir l'amour de celle "qui n'était pas son genre" !

Tout est parti d'une remarque de Mouss qui, à propos d'autre chose, avait insisté sur le rôle des odeurs dans la mémoire

"
J'ai l'impression qu'on s'intéresse beaucoup à l'amnésie en ce moment (il y a un film récent qui traite le sujet). Antérieurement, il y a
"voyageur sans bagage" d'Anouilh, et
"Siegfried et le Limousin" de Jean Giroudoux.

Un jour, j'ai écouté une émission sur les odeurs; d'où mon projet de vous faire un petit topo sur l'anosmie (perte de l'odorat). J'y ai appris que pour faire revenir la mémoire, on se servait des odeurs. Aussi, fait curieux: en procédant ainsi, on a remarqué que l'amnésie se maintenait quand on disait au malade le nom de l'odeur. Le procédé consiste à faire sentir une odeur et c'est au malade d'associer des sensations, des souvenirs liés à cette odeur."

Je répondais :

"Le nom de l'odeur, pas de l'auteur, en alsace, on pourrait confondre.

Sérieusement, la mémoire a l'air d'en appeler aux sens qui appréhendent les choses de l'intérieur, comme le goût et l'odeur, par opposition à ceux qui appréhendent le monde de l'extérieur comme la vue ou le "tact" (condillac).

A la réflexion, c'est normal, puisque la mémoire est une faculté qui vient de l'intérieur et apporte une lumière intérieure sur le monde extérieur.

quand (on lit) les trois réminiscences de Proust, et surtout la plus célèbre, la petite madeleine, on est purement dans le registre du gustatif. Avec la deuxième, la sonate de vinteuil, on est dans le registre auditif. Mais l'écoute est elle-même un décryptage intérieur des sons qui rentrent à l'intérieur. Pour la troisième réminiscence, celle de la dénivellation du pavement lorsque le narrateur descend du trottoir, la réminiscence est de l'ordre de la sensation. Ce qui m'a toujours frappé, c'est combien cette réminiscence avait un caractère étrangement urbain dans cette oeuvre qui l'est si peu, non pas urbaine au sens de l'urbanité mondaine, mais urbaine au sens de l'urbanisme. Comme si l'évocation de cette réminiscence, avant laquelle la guerre (était passée) par là, avait pour but de montrer qu'on avait changé d'époque !

La mémoire, ou l'appel à une faculté spirituelle du sensualisme intérieur ! Il est frappant de constater combien de fois Proust n'hésite pas à en appeler à ce mot de "spiritualité", puisqu'il travaille sur la faculté artistique de sentir et de représenter (cf les longues descriptions de l'oeuvre d'elstir et... de wermer).

b)
De la réminiscence, m'est naturellement venu l'envie de parler de "la reconnaissance", étant donné qu'à chaque fois que j'ai vécu l'un de ces phénomènes dont Bergson parle comme d'un phénomènes de "fausse reconnaissance" (dans "L'énergie spirituelle", (justement), , où l'on a déjà l'impression d'avoir vécu la situation que l'on est en train de traverser, j'ai ressenti un malaise pouvant aller jusqu'au vertige et, si je ne luttais pas contre ce malaise de la prétendue "fausse reconnaissance", jusqu'à la perte de connaissance. Je n'ai qu'à, comme à présent, décrire ou me remémorer ces situation pour qu'aussitôt, le vertige m'en ressaisisse, comme dans une réminiscence particulièrement aiguë, celles-là mêmes dont parlait Proust, sans quoi il ne se serait jamais mêlé d'écrire.

Ces phénomènes de "fausse reconnaissance" entraînent, nous dit bergson, deux séries de fausses croyances : soit la croyance dans la prémonition, soit la croyance en la vie antérieure. Bergson, en bon rationaliste de son temps, a eu beau manifester l'ouverture d'esprit de demander que ces phénomènes ne soient pas ignorés par la philosophie ni la psychologie, et c'est pourquoi il a soutenu la création, puis les efforts de "l'Institut métapsychique" ; mais il a pris soin d'expliquer ces phénomènes et de les intégrer dans son système d'intensification du temps dans la durée : or, comme précisément, pour lui, le temps n'existait que rapporté à la durée, comme tous les souvenirs restaient présents au cerveau, il pouvait en aller de même du passé, le temps n'étant qu'une extension de la durée dans l'espace. A travers les phénomènes (dits) de "fausse reconnaissance", le sujet ne vivait qu'une certaine intensification de la durée dans le temps, et il était vain de chercher dans une caractérisation précise de ce temps intensifié au lieu d'être extensif et spatial, une manière de transcender le sujet au lieu d'intensifier la "durée pure", qui ne connaissait par définition, ni en-deçà, ni au-delà, catégories sensationnelles au sujet, mais inutiles à la philosophie, comme si celle-ci, soudainement, pouvait se développer indépendamment de l'observateur et de l'être éprouvant, la durée seule étant de l'être éprouvé.

2. La reconnaissance intelligible.


a) Le rappel.
J'en étais là, dans ce que je voulais souligner de la manière dont la réminiscence descendait de la reconnaissance (comme l'impulsion est le double et le trouble de l'intuition), et dont l'une et l'autre pouvait s'éprouver jusqu'au vertige et à la nausée, quand Mouss, toujours lui, à la faveur de sa décomposition, me fit ressouvenir de la réminiscence platonicienne, qui débordait largement le cadre subjectif à l'intérieur duquel, à la suite de Proust, je me bornais à raisonner, comme Sartre, de son côté, campant son Roquentin, ne savait pas qu'il ne faisait que décliner une forme particulière de vertige décompositionnel, pour entrer dans la nausée de diviser ce dont on ne perçoit que trop bien que c'est un symbole, comme la charade est la complaisance à feindre que les syllabes soient la raison des mots, quand elles ne servent qu'à en montrer le développement et l'expansion dans la polysémie du langage.

Mouss me fit ainsi sortir de moi :

C'est, si j'ai bien compris et me souviens bien, chez Platon, non pas le souvenir (résurgence du passé du sujet dans sa mémoire) mais une connaissance, un éclair, une illumination provenant d'une autre vie (Platon croyait à la transmigration des âmes) ou provenant du monde intelligible et se manifestant dans ce pauvre monde sensible."

a) Le rappel.

La réminiscence est donc un signe du monde intelligible, qui appelle "reconnaissance" de la connaissance que l'on a moins perdue qu'oubliée.

On dit que "la connaissance", c'est naître avec... ce qu'on apprend. La reconnaissance, c'est renaître avec... ce qui se rappelle à nous.

On moque beaucoup (et souvent, on a raison) les livres du "new age" comme de pures charlataneries, surtout quand elles sont américaines. Mais certains de ces ouvrages sont de pures oeuvres de vulgarisation platonicienne sans le savoir ou en feignant de l'ignorer. Ainsi du livre "Conversations avec Dieu" de Neal-donald walsh. Cette star des "talk shows" (comme Platon était connu pour ses dialogues) récuse l'idée que la vie est une école, un apprentissage, un stage, une épreuve... Il risque l'hypothèse que, pour le Créateur, l'existence de la créature est une façon de "faire l'expérience de lui-même" ou, selon sa terminologie, de "se connaître de façon expériencielle" ; et que, pour la créature, c'est un "rappel" : non pas la leçon d'un répétiteur, mais une façon d'entrer en reconnaissance ou de rentrer en connaissance, c'est-à-dire de se rappeler, de recevoir à nouveau son nom, et de se le donner aussi. Car, quand on nous demande :
"Comment tu t'appelles ?", ne nous demande-t-on pas raison du nom qu'on nous a donné ?
Et nous ne le discutons pas.

b)
La reconnaissance, prise comme cette renaissance du monde intelligible qui refait son expérience en nous de même que nous le redécouvrons en le connaissant déjà, suscite en nous une gratitude devant ce que j'ai appelé en posant ma charade "Le prodige d'exister", expression que j'ai empruntée à stann rougier (dans son livre : "dieu écrit droit avec des lignes courbes".)

De façon plus angoissamment libératoire (car toute libération est inséparable de l'angoisse avec laquelle nous ne parvenons pas à croire à notre élargissement), si nous acceptons la religion comme une sortie du sacrifice ; c'est-à-dire à la fois si nous acceptons que c'est la ligne évolutive vers laquelle ne peut logiquement qu'aboutir le sentiment religieux, et si nous acceptons, dans le cas particulier du christianisme, que le Sacrifice unique du christ a consacré la sortie du sacrifice, alors l'Eucharistie perd toute valeur propitiatoire, alors elle n'a plus pour fonction de soutenir le monde : mais elle se suffit à être louange, selon que l'étymologie nous en donne le sens. Elle se suffit à être louange à dieu pour avoir racheté à grand prix l'existence, qui est le devenir naturel de la vie. "On ne naît pas homme, femme ou vivant ni croyant, on le devient."

c) La propitiation de la tolérance.

Mouss écrit (et ce n'est pas un plaidoyer pour la tolérance) :

"Souvent il faut préciser "reconnaissance, au sens de gratitude". Mais il y a reconnaissance de dette (écrite). Je disais à mes élèves: "la tolérance, certes, est une belle chose, mais l'idée change selon les emplois, les formes grammaticales:
je tolère = je supporte mais j'aurais préféré ne pas avoir à le faire
intolérable = insupportable, qu'on ne peut souffrir.
Alors, Robert Misrahi, lequel avait la même idée de son côté, a dit un jour à France-Inter, vers 13H40, ce que je viens de dire et il a proposé et propose qu'on remplace "tolérance" et ses dérivés par "reconnaissance" et ses dérivés. Alors, "je reconnais" est mieux que "je tolère", etc."

Je pense justement le contraire puisque, si la gratitude s'affranchit de la propitiation, le monde continue d'avoir besoin d'être soutenu ; et, dans la mesure où "la tolérance" (qui supporte) et "la reconnaissance" sont des synonimes, c'est peut-être que la tolérance est appelée à supporter la nouvelle forme de propitiation. Voici donc ce que j'ai répondu à Mouss :

"Je ne peux m'empêcher d'aimer le mot de "tolérance", non seulement pour son goût de liberté, mais aussi parce que son étymologie, du verbe tolere, auquel moi aussi, je connais le sens de "supporter", mais je ne sais plus quel dictionnaire l'infirme, peut-être bien dic, en fait un ressort moral, dans la mesure où supporter, c'est soutenir, et où chacun demande en quelque sorte à être supporté et soutenu."

Je crois que la tolérance est la nouvelle mesure du moral du monde, peut-être la nouvelle forme de prière, comme Simonne weil cherchait "une nouvelle sainteté".

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