Il est heureux que notre première méditation ou échappée sémantique, déchiffrant l'énigme par l'énigme, commence par la charade dont la résolution est "virtuel".
D'abord, opérons une dissection (ou une décomposition)didactique avec Ludo, qui nous gratifiera également d'un peu de son humour de carabin (attention, interne Ludo, adjudant, deuxième pompe, garde-à-vous, fixe !) : dans ma bouche, c'est un compliment d'avoir un humour de carabin, ça rapporte même des points, pour te dire. Mais chute, "le maître compose" (comme disaient les domestiques de Mauriac à Malagar quand l'écrivain était à l'ouvrage, "le maître compose" ou "le maître médite...) "Le maître compose et et Ludo décompose (je t'en prie, Ludo, ne sois pas décomposé par cette attaque qui n'avait, avant que les mots ne m'emportent, aucune intention de t'offenser, toi dont j'ai aimé la copie, quand serai-je donc équilibré !):
""1 V, "1 V, i, r, la prochaine fois que je me fais traiter d'andouille, je dirais
oui, mais de vire ;
"2 T, u, que beaucoup de monde me dise d'utiliser mais chez moi, c'est le
vous qui prime, c'est quelque chose que je ne maîtrise pas" (Ludo et moi avons ça en commun) ;
3 E, l, l, e, c'est aussi un magazine, mais je ne sais pas ce qu'il y a
dedans, moi à l'époque où je voyais bien, je lisais plutôt Lui,
Mon tout est donc Virtuel V, i, r, t, u, e, l, C'est un monde dont l'on va de
plus en plus entendre parler, en médecine on utilise les hologrammes en 3D,
cette 3D qu'on retrouve au cinéma,
Bientôt, on sera projeter dans des mondes totalement artificiels, et sans
doute que c'est projections se feront à l'intérieur du cerveau, ce qui pour
nous, aveugles ou malvoyants nous ouvrent des portes inespérées, mais bon,
avant d'en arriver là, ça reste de la science-fiction."
Voilà qui ne va pas plaire au croissant de lune, qui n'aime pas que l'on trafique dans le cerveau ni sur la lune, c'est un idéaliste, mais son idéalisme n'a rien de cinématographique. Il n'a rien non plus de virtuel, écoutons-le s'interroger :
"
Ton tout n'es pas le contraire du réaliste, il n'es pas réel, certes, mais contribue tellement, hélas, à la réalité. Mais, au fond, qu'est-ce qui ne contribue pas à notre vie réelle? Ne sois pas trop virtuel, reste Torrentiel!!"
Croissant de lune, je ne saisis pas la différence que tu fais entre le virtuel et le torrentiel. Pour moi, le virtuel s'oppose au potentiel. Est-ce que le virtuel nuit à notre potentiel ? Pas impossible, en vertu du temps qu'il paraît nous faire perdre. Vous remarquez que j'ai dit "en vertu", je n'y reviens pas, je m'en suis suffisament expliqué en posant la charade : le virtuel, ou l'infusion de la vertu dans la modernité à travers la machine, la machine dans le cerveau, il faudra qu'on en reparle, vraiment, car j'ai appris des informations vraiment troublantes, il faudra que je vous les relaie.
Mais le virtuel est-il une distraction qui nous fait perdre notre temps ? Possible et, en même temps, pas certain. D'abord parce que Proust a écrit "La recherche du temps perdu" qui raconte la vie d'un snobe et se hisse à l hauteur spirituelle d'une hymne à la mémoire. Ensuite parce que, lorsque Socrate dialoguait avec ses commençaux, il ne savait pas que ses conversations passeraient à la postérité. Il en va de même pour aristote, qui n'a jamais écrit un livre de sa vie, mais dont furent retrouvées, recueillies et réunies les notes qu'il prenait pour dispenser ses cours. Pourquoi en passer par cette remarque ? Parce qu'un charadier n'est jamais là que pour rendre compte de ses obsessions. J'interrogeai naguère un puits de culture :
"Pourquoi lisez-vous autant ?"
"C'est que je souhaite me voir confirmé dans mes obsessions."
L'une de mes obsessions est d'écrire un "livre total". J'en suis sans cesse détourné par d'autres activités. Homme de l'écrit, je me prête au dialogue. J'entre dans des manières d'aventures où se déploie une "intelligence collective", moi qui n'ai jamais eu "l'esprit d'équipe", comme notre sportif compétiteur de torball. Est-ce que je ne perds pas mon temps ? Seul l'avenir le dira. L'impression que j'ai et que je donne va certes aussi de son côté. Seulement l'impression superficielle est contraire à l'impression de l'imprimeur, celle de son texte sur une page, celle de sa marque dans la vie. L'impression de notre marque dans la vie comme une des formes existentielles de "l'extension de (notre) personnalité", selon un mot magnifique du Padre Pio pour expliquer le don de bilocation, merveilleux, mais pas virtuel. Mon neveu, un autre cinéaste, aime à dire que nous devions identifier, non pas qui nous sommes en tant que sujet, mais de quoi nous sommes l'attribut, et quel attribut (ou qualité) nous souhaitons développer. Le croissant de lune souhaite être le sens et la justice ; pour ma part, je voudrais être le rassemblement et la question. Et toi, Ludo, et toi, Mouss, et toi, jean-Pierre, et toi, Alain, et toi, Jean-Nicolas, et toi, babeth... ?
Tiens, nous parlions de Mouss : nous avons décomposé et déconné avec Ludo, nous sommes interrogés avec le Croissant de lune, maintenant instruisons-nous avec Mustapha. Te voudrais-tu, Mouss, "le pédagogue" ?
D'abord, il décompose, et combien brillamment :
"
ma réponse:
v i r t u e l ou t u e l l e
= v ir (qu'on trouve aussi dans triumvir)"
2 tu (Albert Jacquard dit: "je ne serais pas si on ne m'avait dit "tu" ; *pour ma part, je m'interroge :
"Y a-t-il quelqu'un au centre de cette conscience que je tutoie ? Question introspective, qui peut paraître narcissique, sur la nature de "mes voix intérieures", on fait mieux en matière de vis-à-vis...)
3 "e l l e (pour moi le plus beau mot de la langue française).
*Pour moi, ce sont les mots "élargissement" et "délivrance", mais que j'aime aussi la femme, cet être créé dans la latéralité de l'homme, qui fait un "pas de côté" avec une démarche somptueuse. Je précise que les remarques précédées d'un astérisques émanent de votre serviteur, j'aime radoter pour interrompre mes charadeurs, vous en avez pris le pli, maintenant).
Mais Mouss va reprendre la main, il va nous expliquer ce que c'est que le "triumvir" et surtout, comment le "devoir de plusieurs" finit toujours en "pouvoir personnel" ou "pouvoir d'un seul", par un processus inverse de celui que, quand deux personnes se réunissent, c'est une association ; puis quand vient s'y ajouter une troisième, ça devient une scission :
"
le triumvir est le membre du triumvirat
le triumvirat est la forme de gouvernement.
Deux à Rome:
1 en -60,
Pompée, Jules César et Crassus.
2 en -43 = Octave, Antoine et Lépide.
En général, deux se coalisent contre le troisième, avant de s'entretuer par la suite:
Pompée et César s'entendent pour éliminer Crassus; puis César a tout fait pour abattre Pompée.
De même en -43, Octave et Marc-Antoines'unissent contre Lépide; ensuite, Octave a combattu et éliminé Marc-Antoine.".
Mais que je vous dise avant de terminer ce qui m'a inspiré de poser cette charade :
c'est d'avoir trouvé ce mot, "virtuel", dans "l'Emile" de Rousseau.
Ecoutons de quelle admirable manière ce "pédagogue imaginaire" développe ce qu'il appelle "les qualités virtuelles", et quelle route du bonheur il nous propose, en fonction et proportion de nos désirs et facultés :
"
C'est ainsi que la nature, qui fait tout pour le mieux, l'a d'abord institué. Elle ne lui donne immédiatement que les désirs nécessaires à sa conservation et les facultés suffisantes pour les satisfaire. Elle a mis toutes les autres comme en réserve au fond de son âme, pour s'y développer au besoin. Ce n'est que dans cet état primitif que l'équilibre du pouvoir et du désir se rencontre, et que l'homme n'est pas malheureux. Sitôt que ses facultés virtuelles se mettent en action, l'imagination, la plus active de toutes, s'éveille et les devance. C'est l'imagination qui étend pour nous la mesure des possibles, soit en bien, soit en mal, et qui, par conséquent, excite et nourrit les désirs par l'espoir de les satisfaire. Mais l'objet qui paraissait d'abord sous la main fuit plus vite qu'on ne peut le poursuivre; quand on croit l'atteindre, il se transforme et se montre au loin devant nous. Ne voyant plus le pays déjà parcouru, nous le comptons pour rien; celui qui reste à parcourir s'agrandit, s'étend sans cesse. Ainsi l'on s'épuise sans arriver au terme; et plus nous gagnons sur la jouissance, plus le bonheur s'éloigne de nous.
Au contraire, plus l'homme est resté près de sa condition naturelle, plus la différence de ses facultés à ses désirs est petite, et moins par conséquent il est éloigné d'être heureux, il n'est jamais moins misérable que quand il paraît dépourvu de tout; car la misère ne consiste pas dans la privation des choses, mais dans le besoin qui s'en fait sentir.
Le monde réel a ses bornes, le monde imaginaire est infini; ne pouvant élargir l'un, rétrécissons l'autre; car c'est de leur seule différence que naissent toutes les peines qui nous rendent vraiment malheureux. Otez la force, la santé, le bon témoignage de soi, tous les biens de cette vie sont dans l'opinion; ôtez les douleurs du corps et les remords de la conscience, tous nos maux sont imaginaires. Ce principe est commun, dira-t-on; j'en conviens; mais l'application pratique n'en est pas commune; et c'est uniquement de la pratique qu'il s'agit ici.
Quand on dit que l'homme est faible, que veut-on dire? Ce mot de faiblesse indique un rapport, un rapport de l'être auquel on l'applique. Celui dont la force passe les besoins, fût-il un insecte, un ver, est un être fort; celui dont les besoins passent la force, fût-il un éléphant, un lion; fût-il un conquérant, un héros; fût-il un dieu; c'est un être faible. L'ange rebelle qui méconnut sa nature était plus faible que l'heureux mortel qui vit en paix selon la sienne. L'homme est très fort quand il se contente d'être ce qu'il est; il est très faible quand il veut s'élever au-dessus de l'humanité. N'allez donc pas vous figurer qu'en étendant vos facultés vous étendez vos forces; vous les diminuez, au contraire, si votre orgueil s'étend plus qu'elles. Mesurons le rayon de notre sphère, et restons au centre comme l'insecte au milieu de sa toile; nous nous suffirons toujours à nous-mêmes, et nous n'aurons point à nous plaindre de notre faiblesse, car nous ne la sentirons jamais.
Tous les animaux ont exactement les facultés nécessaires pour se conserver. L'homme seul en a de superflues. N'est-il pas bien étrange que ce superflu soit l'instrument de sa misère? Dans tout pays les bras d'un homme valent plus que sa subsistance. S'il était assez sage pour compter ce surplus pour rien, il aurait toujours le nécessaire, parce qu'il n'aurait jamais rien de trop. Les grands besoins, disait Favorin, naissent des grands biens; et souvent le meilleur moyen de se donner les choses dont on manque est de s'ôter celles qu'on a. C'est à force de nous travailler pour augmenter notre bonheur, que nous le changeons en misère. Tout homme qui ne voudrait que vivre, vivrait heureux; par conséquent il vivrait bon; car où serait pour lui l'avantage d'être méchant?
Si nous étions immortels, nous serions des êtres très misérables. Il est dur de mourir, sans doute; mais il est doux d'espérer qu'on ne vivra pas toujours, et qu'une meilleure vie finira les peines de celle-ci. Si l'on nous offrait l'immortalité sur la terre, qui est-ce qui voudrait accepter ce triste présent? Quelle ressource, quel espoir, quelle consolation nous resterait-il contre les rigueurs du sort et contre les injustices des hommes? L'ignorant, qui ne prévoit rien, sent peu le prix de la vie, et craint peu de la perdre; l'homme éclairé voit des biens d'un plus grand prix, qu'il préfère à celui-là. Il n'y a que le demi-savoir et la fausse sagesse qui, prolongeant nos vues jusqu'à la mort, et pas au delà, en font pour nous le pire des maux. La nécessité de mourir n'est à l'homme sage qu'une raison pour supporter les peines de la vie. Si l'on n'était pas sûr de la perdre une fois, elle coûterait trop à conserver.
Nos maux moraux sont tous dans l'opinion, hors un seul, qui est le crime; et celui-là dépend de nous: nos maux physiques se détruisent ou nous détruisent. Le temps ou la mort sont nos remèdes; mais nous souffrons d'autant plus que nous savons moins souffrir; et nous nous donnons plus de tourment pour guérir nos maladies, que nous n'en aurions à les supporter. Vis selon la nature, sois patient, et chasse les médecins; tu n'éviteras pas la mort, mais tu ne la sentiras qu'une fois, tandis qu'ils la portent chaque jour dans ton imagination troublée, et que leur art mensonger, au lieu de prolonger tes jours, t'en ôte la jouissance. Je demanderai toujours quel vrai bien cet art a fait aux hommes. Quelques-uns de ceux qu'il guérit mourraient, il est vrai; mais des millions qu'il tue resteraient en vie. Homme sensé, ne mets point à cette loterie, où trop de chances sont contre toi. Souffre, meurs ou guéris; mais surtout vis jusqu'à ta dernière heure.
Tout n'est que folie et contradiction dans les institutions humaines. Nous nous inquiétons plus de notre vie à mesure qu'elle perd de son prix. Les vieillards la regrettent plus que les jeunes gens; ils ne veulent pas perdre les apprêts qu'ils ont faits pour en jouir; à soixante ans, il est bien cruel de mourir avant d'avoir commencé de vivre. On croit que l'homme a un vif amour pour sa conservation, et cela est vrai; mais on ne voit pas que cet amour, tel que nous le sentons, est en grande partie l'ouvrage des hommes. Naturellement l'homme ne s'inquiète pour se conserve qu'autant que les moyens en sont en son pouvoir; sitôt que ces moyens lui échappent, il se tranquillise et meurt sans se tourmenter inutilement. La première loi de la résignation nous vient de la nature. Les sauvages, ainsi que les bêtes, se débattent fort peu contre la mort, et l'endurent presque sans se plaindre. Cette loi détruite, il s'en forme une autre qui vient de la raison; mais peu savent l'en tirer, et cette résignation factice n'est jamais aussi pleine et entière que la première.
La prévoyance! la prévoyance qui nous porte sans cesse au delà de nous, et souvent nous place où nous n'arriverons point, voilà la véritable source de toutes nos misères. Quelle manie a un être aussi passager que l'homme de regarder toujours au loin dans un avenir qui vient si rarement, et de négliger le présent dont il est sûr! manie d'autant plus funeste qu'elle augmente incessamment avec l'âge, et que les vieillards, toujours défiants, prévoyants, avares, aiment mieux se refuser aujourd'hui le nécessaire que de manquer du superflu dans cent ans. Ainsi nous tenons à tout, nous nous accrochons à tout; les temps, les lieux, les hommes, les choses, tout ce qui est, tout ce qui sera, importe à chacun de nous; notre individu n'est plus que la moindre partie de nous-mêmes. (...)
"O homme! resserre ton existence au dedans de toi, et tu ne seras plus misérable. Reste à la place que la nature t'assigne dans la chaîne des êtres, rien ne t'en pourra faire sortir; ne regimbe point contre la dure loi de la nécessité, et n'épuise pas, à vouloir lui résister, des forces que le ciel ne t'a point données pour étendre ou prolonger ton existence, mais seulement pour la conserver comme il lui plaît et autant qu'il lui plaît. Ta liberté, ton pouvoir, ne s'étendent qu'aussi loin que tes forces naturelles, et pas au delà; tout le reste n'est qu'esclavage, illusion, prestige. La domination même est servile, quand elle tient à l'opinion; car tu dépends des préjugés de ceux que tu gouvernes par les préjugés. Pour les conduire comme il te plaît, il faut te conduire comme il leur plaît. (...)
"ces visirs, ces courtisans, ces prêtres, ces soldats, ces valets, ces caillettes, et jusqu'à des enfants, quand tu serais un Thémistocle en génie, vont te mener, comme un enfant toi-même au milieu de tes légions. Tu as beau faire, jamais ton autorité réelle n'ira plus loin que tes facultés réelles. Sitôt qu'il faut voir par les yeux des autres, il faut vouloir par leurs volontés. Mes peuples sont mes sujets, dis-tu fièrement. Soit. Mais toi, qu'es-tu? le sujet de tes ministres. Et tes ministres à leur tour, que sont-ils? les sujets de leurs commis, de leurs maîtresses, les valets de leurs valets. Prenez tout, usurpez tout, et puis versez l'argent à pleines mains; dressez des batteries de canon; élevez des gibets, des roues; donnez des lois, des édits; multipliez les espions, les soldats, les bourreaux, les prisons, les chaînes: pauvres petits hommes, de quoi vous sert tout cela? vous n'en serez ni mieux servis, ni moins volés, ni moins trompés, ni plus absolus. Vous direz toujours: nous voulons; et vous ferez toujours ce que voudront les autres."
"
En quoi donc consiste la sagesse humaine ou la route du vrai bonheur? Ce n'est pas précisément à diminuer nos désirs; car, s'ils étaient au-dessous de notre puissance, une partie de nos facultés resterait oisive, et nous ne jouirons pas de tout notre être. Ce n'est pas non plus à étendre nos facultés, car si nos désirs s'étendaient à la fois en plus grand rapport, nous n'en deviendrions que plus misérables: mais c'est à diminuer l'excès des désirs sur les facultés, et à mettre en égalité parfaite la puissance et la volonté. C'est alors seulement que, toutes les forces étant en action, l'âme cependant restera paisible, et que l'homme se trouvera bien ordonné."."
C'est génialement écrit, n'est-ce pas, et comme on est loin de Nietzsche et de sa "volonté de puissance", qui consisterait pour rousseau à à vouloir sans pouvoir, mais qui permettrait selon Nietzche de "mouvoir" la réalité à sa volonté !
A vrai dire, de telles pages permettent de comprendre quel saut ont fait les "philosophes luminescents" par rapport aux théologiens scholastiques. Les premiers étaient empiriques, mais surnaturalistes. C'est ce qu'ils appelaient leur réalisme. Les seconds sont réalistes et naturalistes. Ils ont introduit en Occident, en avant de l'individualisme ou du culte de l'homme, le culte de sa condition, c'est-à-dire le culte de la limite qui se défie de l'imagination. Un paradigme est resté commun entre les scholastiques et les "luminescents" : c'est leur aspiration à circonscrire le réel, à être réalistes. Mais les surnaturalistes l'étaient en vertu... de ce que freud aurait appelé un "délire de référence", de ce que le Croissant de lune appellerait une "révélation-doctrine" et de ce que Karl-gustav Jung aurait appelé "un mythe" sans connotation péjorative, car un mythe reste toujours vivant et prend, dans la conscience, une dimension archétypale. Le paradigme de la réalité restant commun aux scholastiques et aux lumineux, quelle que soit la méfiance que les premiers ont à l'égard de l'imagination, leurs croyances ne reposent pas moins sur elle. Car même en admettant qu'un contenu de foi contienne également toute la vérité, c'est dans une proximité avec l'imagination qu'on se le représente. Le climaxe de ce "culte de la limite" est atteint par notre époque qui ne sait plus écrire de romans ou dont les fictions sont tristes, mais qui, surtout, ne croit plus dans les ressources du génie humain pour se tirer de l'apocalypse écologique dans laquelle serait censée nous plonger le progrès. Mais l'invasion du "culte de la limite" dans la théologie, qui n'ose plus demander à dieu pourquoi Il n'a créé que du limité et pourquoi son Amour réputé indépassable n'a pas inventé une créature susceptible de le dépasser, fait que le croyant n'appelle plus de ses voeux "la divinisation", mais la redoute. Or, si dieu nous aime, pourquoi ne voudrait-Il pas nous la donner ? La puissance a de la volonté, mais la vertu prend le pouvoir. Rousseau a sans doute raison, il faut se limiter.
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