mardi 27 mars 2012

Réponse au croissant de lune, l'affaire Merah (suite)

Eh bien voilà, croissant de lune, tu a fait une chose qui te dépasse, qui
nous dépasse toi et moi, non seulememnt pour l'amitié, . mais pour te
défendre toi-même, pour te faire connaître, te donner à comprendre, dans un
contexte où il ne s'agit pas que je te défère au tribunal, rende une
sentence, la fasse exécuter, mais où tu dois comprendre que tu n'es pas
compris et que ta chance principale est de t'expliquer.

Je n'assortirai ma réponse que de quelques commentaires qui me sont
personnels et dont je prie par avance d'excuser qu'ils soient moins
intéressants que ce que nous a donné le Croissant de lune, mais ils sont
aussi moins impliqués.

1. Le fait est que l'on pouvait croire à une réplique du 11 septembre, du
point de vue de la représentation. Il n'en est pas ainsi et ce n'est pas
forcément bon signe, car la médiatisation en France est beaucoup trop
séquencielle. Certains augurent même que le pouvoir ait laissé le tueur de
toulouse se retrancher dans son appartement pour pouvoir rendre son
arestation plus spectaculaire, alors que le RAID ou la BAC auraient pu le
cueillir en toute discrétion à la sortie d'un terrain de football dont il
paraît qu'il a joué, même entre ces forfaits. Mais cela aurait manqué
l'effet spectaculaire dont on voulait assortir ces crimes et leur punition.
Je ne donne cela que comme une hypothèse, mais elle est vraisemblable.

Les événements de toulouse et de Montauban se présentent bien davantage
comme l'ombre et la caricature du 11 septembre que comme le remake du
traumatisme inaugural de ce dont on estimait, sans qu'on en indiquât la
raison, que l'impact de ces attentats devait changer le monde, dans une
assomption parfaitement cynique de l'inégalité de la valeur des vies
humaines par une puissance, les Etats-Unis, se disant démocratique et
défenderesse de l'égalité, puisqu'on pouvait impunément faire deux cent
mille morts en bombardant l'Irak ou en affamant son peuple, mais que trois
mille morts dans un remake de "La tour infernale" réclamaient vengeance et
justifiaient de mettre le monde à feu et à sang.

La médiatisation de l'information en france est séquencielle (un fait
divers, une loi !), de même que le débat politique n'est pas au niveau.

A supposer que Marine le Pen ait voulu offrir une véritable alternative
politique, elle s'est discréditée en couplant ses propositions d'une
surenchère tellement xénophobe que cela a rendu son discours inintelligible,
pour ceux-là mêmes qui pouvaient être sensibles à certains de ses aspects. A
quoi bon "la préférence" (ou "la priorité) nationale", sinon à jeter des
gens déjà exaspérés à la rue ! A quoi bon la stigmatisation de l'Aide
Médicale d'etat qui ne se chiffre qu'à 600 ou à 800 millions d'euros (quand
le déficit de la France se chiffre en centaines de milliards), alors que
cette aide, qui est beaucoup moins systématiquement distribuée que le
prétend le front National, que cette aide, comme la Couverture Maladie
Universelle, est à l'honneur du respect du serment d'Hypocrate ! A quoi
bon, quand on se dit porteur d'une réforme institutionnelle de taille pour
la france, rabaisser le débat politique à une discussion sur la traçablité
de la viande Halal ! Si Marine le Pen, qui a fait un excellent début de
campagne, baisse dans les sondages, elle ne pourra s'en prendre qu'à
elle-même et à sa tentation démagogique, héritée de son père qui se
contentait d'avoir une fonction qu'il qualifiait lui-même de tribunicienne,
comme étant celle de ""tribun de la Plèbe" !" Quant à Jean-Luc Mélanchon, il
n'a pas d'autre ambition que de faire de "l'éducation populaire". Qu'il nous
excuse, mais le peuple n'a pas besoin d'être éduqué, ce n'est plus un
enfant. Tout au plus a-t-il besoin d'apprendre comment passer d'une réaction
grégaire, de la réaction d'une foule, à une réaction populaire, à la
maturité d'un peuple. Il lui faut ressaisir le sens de ce mot, qui lui a été
confisqué par ceux qui délient, déréalisent le lien entre "démocratie" et
"populisme" (et pouvoir du peuple, ne serait ce suffixe péjoratif en "isme",
dont l'"iste" est toujours le pendant.

Pourquoi le peuple, à la dernière extrémité, se méfie-t-il toujours du front
National ? Parce qu'il ne veut pas entrer en guerre civile et, de plus,
parce qu'il a de la compassion pour le migrant, envers qui cette réaction
serait de pure offense généralisatrice.

Mais pourquoi, si je fais un raccourcis, Mélanchon n'a guère plus de chances
de remporter les suffrages du peuple ? Parce que le peuple n'aime pas le
trotskisme, pas le maoïsme (avec ou sans du sens en plus), ne t'en déplaise,
croissant de lune : le peuple de france n'est pas mûr pour l'islamisme
politique. Ce qu'il est capable de comprendre, c'est l'oppression dont
celui-ci se nourrit. Ce qu'il peut lui envier, c'est sa "réponse à tout",
c'est d'avoir une éthique, c'est d'opter pour le droit, à condition de ne
pas être inexorable, que d'avoir réponse à tout ne le rende pas un
robespierrisme terroriste de son propre peuple, à condition que de ne pas
rougir d'être pris pour un maoïsme religieux ne fasse redouter qu'il
agirait envers ceux qui s'y soumettraient de la même manière que les
propagateurs de la révolution culturelle chinoise allait couper les doigts
de ceux qui refusaient "le grand bond en avant" du "petit livre rouge".

Et ce que tu écris des talibans réussissant ce miracle d'arrêter la
production d'opium avec l'assentiment de tous, en ne recourant qu'à la
persuasion et sans l'intervention d'aucun commissaire politique, a l'air de
tenir de la propagande, qui ne veut pas reconnaître que les talibans ont
recouru, pour s'imposer, à des expéditions punitives tout aussi condamnables
que la guerre qu'on a fait en afghanistan sous prétexte de les empêcher. Les
châtiments corporels épouvantables, la terreur des femmes, sans parler de la
destruction des bouddha bimillénaires par un islamisme iconoclaste,tout cela
ne relève pas seulement de la contre-propagande occidentale et du
photo-montage.

D'accord, à côté des procédés, quels qu'ils soient, dont se sont servis les
talibans pour mettre fin à la culture du pavot, la parole du pape a quelque
chose d'incantatoire. Je n'ai jamais pu prendre au sérieux le vatican quand
il s'exprimait contre la MAFIA ou contre l'arrêt du trafic de drogue. Mais,
à tout prendre, je préfère un pouvoir incantatoire à une répression
sanglante ou, si tu préfères et si tu la nies, à une surveillance de
chacun par tous. Tu me diras que je me pose en garant des libertés
individuelles sans voir l'intérêt supérieur de la liberté collective. Je
pense qu'on ppeut tenir un juste milieu entre les deux.

Je ne veux pas obscurcir mon propos en ne voulant rien te céder sur les
talibans. Je connais trop combien nous pouvons tous être victimes de la
désinformation et de nos propres préjugés. Je m'écarte donc de ce sujet en
attendant que tu m'affranchisses, si jamais il est vrai que je sois dans
l'erreur et que je doivêtre détrompé.

Je préfère ce que dit ton Rached ghanouchi à propos de la différence de
contexte qui existe entre la démocratie chrétienne et l'islamisme politique,
d'autant qu'aux dernières nouvelles (plutôt rares, les journalistes français
exerçant peu de droit de suite), les membres du parti de la renaissance
préfèrent ne pas diviser le peuple tunisien en inscrivant la charia dans la
constitution, mais il faut reconnaître que la charia, qui relève
essentiellement du droit coutumier est souvent agitée comme un épouvantail
pour faire peur aux occidentaux.

2. Je crois qu'on ne gagne rien à sous-estimer Mohamed Merah. C'est ce qu'a
fait le RAID en s'imaginant que quelqu'un qui était allé au bout de sa
logique allait se rendre et ne pas souhaiter de mourir, les armes à la main.
Loin de moi de faire de Merah un humaniste. Nous autres, chrétiens, avons
grande pitié des morts, et en venons à oublier combien ils ont pu
préméditer et pousser loin dans le crime. Celui-ci est mort en voulant
abattre des hommes du RAID qui se trouvaient sous sa fenêtre. Il s'est
également attiré la réprobation unanime de tous ceux qui ont un respect
minimum de la vie en poursuivant une petite fille pour lui tirer une balle
dans la tête. On a également souligné que Merah nourrissait un culte exagéré
pour la technicité et que son goût pour le rodéo, mais aussi le scénario de
ses meurtres et de sa non reddition, de son arsenal et de l'usage qu'il en
faisait, avaient beaucoup à voir avec l'esthétique des séries américaines.
Mohamed Merah était loin d'être un humaniste, on n'a pas envie de se
féliciter qu'un homme qui percevait le RSA et bénéficiait d'un logement
social ait vécu de rapines pour s'approprier un arsenal qui a fait sept
morts. Mohamed Merrah n'était pas un humaniste, mais ce n'est pas une raison
pour en faire un imbécile. Bien sûr, on peut évoquer le contexte particulier
de sa famille décomposée. On peut présumer que sa mère n'était pas l'oie
blanche qu'on a laissé rentrer chez elle après sa garde-à-vue, dans la
mesure où, si elle a refusé d'intervenir auprès de son fils sous prétexte
qu'elle n'avait aucune influence sur lui alors que c'était depuis son
ordinateur qu'il s'était connecté sur l'annonce du militaire, vendeur de
motos, c'était qu'elle approuvait peu ou prou les agissements qu'il avait
commis, au point de ne pas le supplier de vivre, et ce d'autant plus
probablement qu'elle ne pouvait ignorer que son autre fils Abdelkader, qui
paraît mieux pourvu idéologiquement que son frère, devait en être le mentor
véritable. On peut supposer dans cette famille un contexte de lum-pen
prolétariatde banlieue désertée. On peut voir dans Merrah un jeune désoeuvré
devenu salafiste alors que, para illeurs, rien ne le distinguait beaucoup de
la vie des jeunes qui s'agitaient autour de lui. On peut être un salafiste
de banlieue et boire de l'alcool, aller en boîte et être médiocrement
pratiquant. Et on peut, malgré cela, n'en avoir pas moins la foi, n'en pas
moins croire à ses causes.

Où je dis qu'il ne faudrait pas céder à prendre Mohamed Merah pour un
imbécile est que l'attaque de l'école juive n'est certainement pas la simple
conséquence d'un rendez-vous manqué avec un militaire. D'abord, il se
murmure que Mohamed Merah, entre autres voyages, était allé en Israel et
avait été arrêté par la police israélienne. Ensuite, le simple indice de
l'heure extrêmement matinale à laquelle Mohamed Merah avait pénétré dans
cette école est significatif du fait que nulle improvisation ne présidait à
cette incursion.

Pas davantage il ne faut prendre ce mot qu'on lui prête, qu'il voulait
"mettre la france à genoux", pour l'exacerbation d'une haine antifrançaise.
Il est fort possible que Mohamed Merah ait intériorisé dans son propre
logiciel la distinction des nationalistes rupturistes entre "pays légal" et
"pays réel". La preuve en est que celui que beaucoup se plaisent à présenter
désormais comme un Français de papier avait indiqué par testament qu'il
souhaitait être enterré en france. Rien n'empêche de penser que Mohamed
Merah voulait rendre la France à sa réalité telle qu'il la concevait. Et
rendre la France à sa réalité pouvait très bien passer pour lui par le fait
de punir ses compatriotes ou correligionnaires communautaires d'avoir prêté
leurs mains à la commission d'une guerre injuste et à une forme de
mercenariat, dont je te reconnais l'autorité, croissant de lune, de dire si,
en la faisant, le Français pouvait ou non prétendre de bon droit avoir
libéré un peuple. Toi seul ou le ressortissant de ce peuple pouvez estimer
si cette intervention étrangère vous a ou non rendu libres, quand bien même
croirions-nous à la justesse de la guerre afghane, en raison de la nuisance
dont nous croyons les talibans responsables. L'autochtone, dis-tu, en
poussant la tolérance aussi loin que possible, peut seul, à la limite,
croire que cette guerre soit juste. Son injustice ne peut faire aucun doute
pour un soldat musulman étant entré dans la carrière militaire après que les
anciens se sont tus. D'autant, ajoutes-tu, que les soldats ne sont pas
soumis à un véritable impératif d'aller combattre en afghanistan. L'armée
est dans un tel état de déréliction, à être impliquée dans des guerres qui
ne la concernent pas, que n'y vont compbattre que les soldats qui veulent
sur les terrains qu'ils choisissent, ce qui est totalement contraire à
l'impératif militaire d'obéissance a priori et de non choix des terrains de
combat, la désobéissance, abusivement qualifiée de civile, étant l'exception
à l'exécution régulière, même des ordres les moins intelligents, la
désobéissance du soldat ne se justifiant qu'en cas d'immoralité de l'ordre
donné par le commandement. On se souvient de Zola disqualifiant "le
comandement" dans "La débâcle", mais plus encore de Philippe d'Orléans,
connaissant la disgrâce sous Louis XIV avant d'être rendu régent par la mort
du roi, pour avoir bu, en belle ou amère humeur malgré et à cause de la
défaite, lors d'une des campagnes de la guerre de succession d'Espagne, "à
la santé de Con, le capitaine" (il désignait le roi) "et de con, le
commandant" (il en avait après son épouse morganatique, Madame de Maintenon,
qui n'était point vice-reine".)

Tu dénies à tout soldat d'origine musulmane d'aller combattre en
Afghanistan si ce n'est sous l'impulsion du motif mercantile . Il se peut,
mais ajoutes-y celui-ci, qui n'a rien à voir avec la situation sociale du
harki, mais relève d'un désir d'assimilation : assimilation du soldat
d'origine musulmane aux causes de la france, et désolidarisation de ce
soldat d'avec une pratique de l'islam politique, celle des talibans, qu'il
peut juger comme dépréciative de l'islam, de ton point de vue parce qu'il
n'a pas la même conscience que toi des enjeux du relèvement de la "nation
arabe" ; voire, en poussant plus loin, parce qu'il est un insensé à tes yeux
ou même en vérité ; parce qu'il développe, sans état de nécessité
financière, le complexe du harki de l'intérieur ; tout cela est possible,
comme il est possible que ce soldat hiérarchise autrement que toi ses
appartenances (d'aucuns prétendent que nous n'avons qu'une seule identité,
mais plusieurs appartenances), qu'il se veuille d'abord français et musulman
ensuite, dans une intégration de la notion de laïcité à la française, contre
la séparation des zones d'influence en islam politique, la laïcité ayant
pour équivalent la "civilité".

Tu prétends redresser ce soldat de ses errements, Mohamed Merah a voulu le
faire aussi, mais à sa manière, autrement radicale. La logique du martyre
dans laquelle il était entré et qui n'est jamais dépourvue d'un certain
héroïsme voulait peut-être aussi montrer un autre dysfonctionnement de la
"France légale" qui se gargarise du mot de "République".

3. Théoriquement, quand l'armée est attaquée , agent, s'il en est, de la
force publique, il faudrait faire intervenir les brigades antiterroristes.
Or il n'en fut rien. Quand ce ne fut, pour ainsi dire, que l'armée qui fut
atttaquée et pire, quand ce ne furent, comme au temps de nos guerres
européennes, que ceux que nous appelions jadis nos anciens supplétifs
coloniaux qui furent victimes, la réaction française fut très molle. Mais
qu'une école juive soit attaquée, et la république fut en émoi ; les
politiques se rendirent sur les lieux, toutes affaires cessantes, au risque
que ce concours de personnalités, dont il fallait assurer la sécurité, ne
gêna la progression policière de l'élucidation des meurtres en série et de
la mise hors d'état de nuire de celui qui les commettait ; le ministre de
l'intérieur en personne diligenta l'enquête ; la campagne présidentielle fut
suspendue.

On déclara "la République en danger" parce qu'on s'en était pris à une de
ses écoles. Pardon, mais on s'en était pris, pas du tout à l'école de la
république, mais à une école privée hors contrat, qui avait la particularité
d'accueillir environ deux cents élèves de confession juive, lesquels étaient
encadrés, sur le plan religieu et, qui sait, peut-être paramilitaire, par un
rabbin d'origine israélienne venu en mission à cette fin et qui fit
malheureusement partie des victimes. Le terroriste, nullement inintelligent
dans le choix de ses cibles, s'était attaqué à une de ces écoles privées qui
n'accueille qu'à titre très exceptionnel un petit musulman ou un petit
catholique, contrairement aux écoles privées catholiques, dont la plupart
ont en outre souscrit une obligation contractuelle avec l'Etat, mais qui
accueilleraient des enfants non catholiques avec ou sans cette souscription,
parce que cela fait partie, je ne dirai même plus des obligations inhérentes
à leur prosélytisme, mais de leur vision de l'homme que de faire bénéficier
deleur enseignement de qualité tous les enfants qui viennent à elles. Le
tueur d'enfants avait attaqué une école juive, dans ce pays laïque qui
accorde très parcimonieusement aux musulmans le droit d'ouvrir une école
coranique. La sidération avec laquelle on avait fait jouer le ressort de
l'indignation était allée jusqu'à faire habilement oublier que ce tueur ne
s'en était nullement pris à une "école de la république", mais avait attaqué
une école confessionnelle. Le lendemain, Nicolas sarkozy était allé prendre
à témoin des enfants : il avait rêvé, lors d'un certain dîner du CRIF, que
chaque enfant de CM2 prenne symboliquement en charge une victime de la
shoah, cette épouvantable tuerie d'enfants lui donnait l'occasion de mettre
son rêve, très traumatisant pour de jeunes consciences, à exécution.
Nicolas sarkozy était allé diriger une "minute de silence" dans une "école
de la république" pendant que le ministre de l'intérieur, depuis toulouse,
diligentait l'enquête.

Tandis que les autorités de la république s'ingéniaient à déplacer sur le
terrain républicain cet attentat commis contre une école confessionnelle
juive, les autorités religieuses se livraient à un exercice auquel elles se
croient obligées dès que la communauté juive est attaquée en france :
rédiger un communiqué d'effroi, faire part de leur indignation et de leur
désapprobation absolue et sans équivoque, de leur consternation, bref, rien
que des sentiments très humains et qui vont sans dire, qui vont de soi.

Mon ami, le Président des Amitiés Judéo-Chrétiennes de Mulhouse, Jérôme batoula, m'avait envoyé pour que je le transmette, l'un de ces communiqués
plein d'indignation vertueuse. Etant pressenti pour faire parti du comité
local de ces amitiés, étant par ailleurs excédé par le croissant de lune, je
lui adressai ces quelques mots pleins d'amertume :

"> Salut, Jérôme,

> Je ne crois pas que je pourrai faire partie du comité.

> En premier lieu parce que je ne supporte pas qu'il faille réagir à
> chaque fois qu'il se passe quelque chose, touchant la communauté juive.

> La mort d'enfants est atroce, cela est sans contredit, définitif,
> indiscutable, mais cela va de soi ! Lorsque j'étais en Israel, avec
> mon frère, à deux reprises, dans deux auberges de jeunesse différentes,
> j'ai vu
> deux groupes d'enfants, surveillés par deux rabbins, et plusieurs
> éducateurs :

> Le premier groupe d'enfants devait faire partie de l'élite d'Israël,
> parce que l'un de ceux qui les surveillaient portait en bandoulière une
> mitraillette. Le groupe s'était arrêté, comme nous, dans une auberge de
> jeuenesse, où l'on pouvait supposer que quelques
> Palestiniens, qui travaillaient, y étaient réduits à pas loin d'une
> forme d'esclavage

> Un soir, nous rencontrions un autre groupe d'enfants. Il était formé, en
> partie, de falasha, soit de Juifs Ethiopiens, mon frère s'étonnait
> justement de ne pas voir de juifs de couleur. Etant donné que l'etat
> d'Israël
> ne tenait pas tellement à ces "jeunes de banlieue", ils n'étaient pas
> gardés par des rabbins-éducateurs portant une carabine, mais juste un
> tazer.

> Je veux bien que l'on s'insurge à chaque fois qu'une école juive est
> attaquée. Mais je cesserai de m'insurger quand les écoles juives
> deviendront des "écoles de la république" et cesseront de donner des
> leçons à l'école de la république.

Car voilà : il faut avoir vécu près d'une école juive pour savoir combien
elle est loin d'une école de la république.
> Dans celle où des enfants ont été tués, il y avait un prof de religion qui
> venait d'Israël. Il y a beaucoup de juifs qui font leur service militaire
> en Israël. Il y a beaucoup d'enfants juifs élevés comme de
> petits soldats. Ca n'est pas plus scandaleux, si on le tolère, que des
> arabo-musulmans aillent se faire entraîner paramilitairement au
> Pakistan ou en avghanistan. Le premier citoyen français qui se ferait
> pincer en revenant d'un pays étranger sous les armes duquel il aurait
> servi devrait être arrêté et déchu de ses
> droits civiques ou de quelque chose dans le genre.

Que Mohamed Nerrah ait fait un acte abominable est certain ; qu'il ait
souffert avant d'agir est évident ; qu'un
> communiqué de notre association se sot imposé me paraît superflu !

> "Laisssons nos morts enterrer leurs morts !"

Comprends-moi bien, Jérôme, je ne suis pas antisémite, mais je ne soutiens
pas les juifs d'Israël dans leurs
> moindres actions politiques. Je veux rester un esprit libre, et c'est
> pourquoi je préfère ne pas faire partie du comité. Th. en a eu
> l'idée, ce n'est pas ma place ! D'ailleurs, je n'ai jamais adhéré à aucun
> parti. J'adhérerai au parti que je réformerai.

> en te disant à bientôt ainsi qu'à vous tous,

Julien"

Mon ami Jérôme, lui-même un protestant évangélique non pentecôtiste
d'origine africaine, m'adressa dans sa réponse ces quelques mots qui m'ont
fait chaud au coeur :

"Je tiens à te remercier pour ton mail et ce qu'il contient. Ta liberté
d'esprit est ton plus grand trésor."

Avouez, ça me change un peu des perfidies dont je suis régulièrement victime
de la part du croissant de lune, même si son effort de mise en perspective
d'hier soir contribue à les racheter.

Oui, pour moi, il ne faut pas tomber dans le piège de choisir une communauté
contre l'autre. Il faut traiter avec la même sévérité celui qui va combattre
dans les rangs de tsahl et celui qui va s'entraîner dans un commando
paramilitaire au Pakistan ou dans la zone tribale. Puisqu'il a choisi de se
mettre au service d'une puissance étrangère, il ne faut pas que, comme
Arnaud clarsfeld, il puisse occuper des postes de responsabilité quasi
régaliens, qui peuvent le hisser jusqu'à fixer quels peuvent être les
critères de l'immigration en france. Il ne faut pas tolérer que les enfants
juifs soient massacrés, mais pas davantage élevés en france comme de petits
soldats ; mais il faut encore moins tolérer, comme ça se voit presque chaque
semaine à Paris, que des organisations communautaires juives organisent des
meatings à la gloire des soldats israéliens, où certains de leurs militaires
hauts gradés acompagnent des jeunes recrues faisant leur service militaire
(ce qu'ils font pour trois ans à compter de l'âge de seize ans et demie),
ces réunions recevant régulièrement la visite de personnalités politiques
françaises invitées. Il faut traiter les citoyens à égalité sociale et
confessionnelle. C'est le moins que nous puissions faire, sauf à sécréter
des Mohamed Merah. Il ne faut pas céder aux sirènes de la désunion
nationale. Mais le compagnonage avec les migrants ne saurait aller jusqu'à
faire de nous un vivier de conversions à l'islam. Du moins le français de
base n'a-t-il aucune raison d'appeler de ses voeux des conversions massives,
qui le désidentifient de sa matriceoriginelle et ne feraient que contribuer
à le déréaliser.

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